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Comment réformer le Conseil économique, social et environnemental

Comment réformer le Conseil économique, social et environnemental 

Le  think tank Synopia, dirigé par Alexandre Malafaye, et les membres de l’Observatoire citoyen du renouveau démocratique ont publié un rapport pour répondre à cette question( L’Opinion en publie des extraits.)

« Selon la Constitution, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est la troisième chambre de la République française. Pourtant, les Français la connaissent peu ou mal. Le débat qui existe depuis des décennies autour de sa suppression est donc alimenté par l’impression d’inutilité qui découle de cette méconnaissance.

Créé en 1925 par simple décret, puis confirmé dans la Constitution de la Ve République par le Général de Gaulle, le CESE était à l’origine conçu pour prendre le pouls de la France des corporations et autres corps intermédiaires. Ainsi, il est un lieu dans lequel les antagonismes se côtoient et dialoguent, et où les postures idéologiques et politiques sont reléguées au second plan. Et ce n’est pas rien ! Néanmoins, aujourd’hui, ce rôle de facilitateur du débat entre les corps intermédiaires ne suffit plus à légitimer son existence.

La représentativité de l’institution est mise à mal. Les corps intermédiaires qui lui délèguent le principal de ses 233 membres sont de moins en moins reconnus. Une réforme du CESE doit prendre en compte la perte de confiance des Français dans leurs représentants, et surtout, le désir de participation directe à la vie publique d’une part croissante de nos concitoyens.

La nécessité d’adapter la représentativité du CESE a été prise en compte par le président de la République lorsqu’il affirme vouloir en faire « la chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la nation ». Des forces vives qui ne se limitent plus, et depuis longtemps déjà, aux seuls corps intermédiaires représentés au CESE.

La dynamique impulsée par le chef de l’Etat et le président du CESE a pour but de transformer en profondeur l’institution et d’en faire vraiment la troisième chambre de la République. Cette transformation doit s’articuler autour de six grands principes : « Finir l’institution », revoir la représentativité de ses membres, y introduire la parole citoyenne, promouvoir une pédagogie démocratique, devenir la chambre du futur et, enfin, établir un lien fonctionnel entre le CESE et les CESER (conseils régionaux).

 

Cinq objectifs ont été identifiés comme essentiels pour que le CESE recouvre toute sa légitimité et sa valeur ajoutée au sein du système institutionnel :

1- le CESE doit devenir l’un des grands organisateurs de la participation citoyenne au débat public ;

2-il doit être la Chambre de respiration, d’oxygénation du pouvoir ;

3-il doit contribuer au débat public en lui apportant l’objectivité qui peut parfois lui faire défaut ;

4-il doit intégrer les enjeux non seulement contemporains, mais aussi futurs et globaux, de manière à devenir une véritable chambre du futur ;

5-enfin, l’organisation même du CESE doit pouvoir s’adapter, mais aussi induire et encourager les innovations démocratiques de notre société.

« Finir l’institution »

De quoi s’agit-il ? Dans les faits, la Constitution ne place pas le CESE sur un pied d’égalité avec les deux autres assemblées. Il semble pourtant indispensable de corriger ce défaut si l’objectif réel est bien de faire du CESE la troisième chambre de la République, et non une assemblée de deuxième catégorie dont les avis peuvent être négligés. Auquel cas, il vaudrait mieux supprimer le CESE plutôt que de rester dans cette entre-deux qui ne profite guère à personne.

Ainsi, lorsque le CESE rend un avis, aucun texte ne détermine l’usage qui doit en être fait par les pouvoirs publics. Il s’ensuit que les nombreux rapports produits chaque année finissent sur une étagère, ou bien qu’ils influencent les politiques publiques sans que la paternité des réformes ne soit reconnue au CESE. Dans les deux cas, c’est le problème de la visibilité, et in fine de la légitimité qui est posé.

Compte tenu de son mode de représentation qui ne repose pas sur le suffrage, le rôle consultatif du CESE ne doit pas être remis en question. En revanche, il convient de systématiser sa consultation par les pouvoirs publics et par les deux assemblées dans le processus législatif.

[…]

Le CESE souffre de vieillissement : ses missions ne sont plus aussi pertinentes qu’elles pouvaient l’être en 1945 lorsqu’elles ont été définies par la Constitution. Parmi les grandes transformations attendues, celle qui vise à faire du CESE un carrefour des consultations citoyennes est essentielle.

Par ailleurs, les récents débats qui ont agité la société (et qui l’agiteront encore !) ont montré la nécessité de créer un espace organisé pour travailler sur les questions de société et répondre aux préoccupations des Français. Aujourd’hui, le débat public, trop souvent inscrit dans le temps court, est davantage porté par l’émotion et l’irrationnel.

Le CESE pourrait être le lieu d’objectivation et d’explicitation de problématiques complexes, clivantes et chargées d’affects.

Pour remplir cette nouvelle mission, le CESE pourrait se doter de deux outils nouveaux : les assemblées consultatives citoyennes et les pétitions citoyennes.

Les assemblées consultatives citoyennes (ACC) constituent un des moyens utilisés pour permettre la médiation citoyenne, c’est-à-dire la résolution de désaccords, ou de simples controverses, sur des sujets relevant de son domaine de compétence, dans les cas où les modes traditionnels d’exercice du pouvoir de l’État ne sont pas parvenus à trancher ces différends, et à apporter une réponse que chacun pourrait juger comme légitime, et donc satisfaisante.

En pratique, une ACC réunit des personnes issues de la société civile autour de conseillers du CESE : ensemble, les membres de l’ACC ainsi constituée sont confrontés à une problématique donnée et doivent trouver les moyens d’y répondre. En ce sens, elles sont assez similaires des jurys citoyens. Mais au lieu de rendre un jugement, elles rendent un avis consultatif.

C’est une technique déjà éprouvée dans plusieurs pays, notamment l’Irlande, le Canada ou encore la Nouvelle Zélande. Cependant, l’organisation des ACC nécessite un cadre réglementé et un mode de fonctionnement clair et le plus simplifié possible.

Le CESE doit devenir l’instance centralisatrice des pétitions citoyennes, sur le modèle de ce qui se fait en Grande Bretagne, avec la création d’une plateforme dédiée

Aujourd’hui, le CESE possède quatre moyens de se saisir d’une problématique : les autosaisines ; les saisines gouvernementales ; les saisines parlementaires ; les pétitions citoyennes. Nous proposons d’approfondir le dernier, celui des pétitions citoyennes. En effet, depuis la réforme de 2008, le CESE peut être saisi par voie de pétition citoyenne si celle-ci atteint un seuil de 500 000 signatures papiers. Dans le même temps et de sa propre initiative, le CESE a mis en place un système de veille des pétitions citoyennes ; il peut décider de se saisir du thème d’une pétition qui rentre dans son champ de compétences.

La floraison de pétitions citoyennes, sur tous les supports et pour tous les sujets, témoigne du désir croissant de participation des Français à la vie publique. Mais ce désir, s’il est bien sûr légitime, nécessite d’être canalisé et encadré. C’est pourquoi nous proposons de faire du CESE l’instance centralisatrice des pétitions citoyennes, sur le modèle de ce qui se fait en Grande Bretagne, avec la création d’une plateforme dédiée.

À Londres, une commission spécialisée du Parlement de Westminster reçoit et vérifie la recevabilité des pétitions – et des pétitionnaires – selon certains standards. Par exemple, sont rejetées les pétitions dont le sujet : ne relève pas de la responsabilité du Gouvernement ou du Parlement ; est déjà en train d’être traité par le gouvernement ou le Parlement ; est purement personnel ; contrevient à la loi ; concerne un jugement définitivement prononcé ; touche une affaire en cours devant les tribunaux. [...]

Lorsque la pétition franchit le seuil des 10 000 signatures, le gouvernement est tenu d’y apporter une réponse, et à partir de 100 000 signatures, le sujet évoqué par la pétition est débattu au Parlement.

Ce modèle est particulièrement intéressant et devrait servir à inspirer la création d’un système de pétitions citoyennes organisées, géré par le CESE. En effet, face à l’essor des pétitions citoyennes, et pour contrôler l’impact de ce qui ressemble parfois à des « poussées de fièvre virale », il serait judicieux d’inscrire ces processus de mobilisation citoyenne, dans un cadre institutionnel.

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