Secouer l’Europe
En raison de la crise sanitaire, et pour que les garanties démocratiques soient préservées, les députés Emilie Cariou et Aurélien Taché appellent, dans une tribune au « Monde », à renouveler « en profondeur » les institutions européennes, notamment le Parlement.
Tribune.
Des situations de crise peuvent émerger le meilleur comme le pire. L’Union européenne (UE), face au Covid, avait l’occasion de renforcer sa gouvernance, en innovant dans ses pratiques et en affirmant sa cohésion. L’emprunt commun est une véritable avancée. Mais cette initiative ne doit pas masquer les dysfonctionnements structurels de l’Union et les graves insuffisances de l’équipe qui dirige la Commission. L’Union européenne du « monde de demain » doit être renouvelée institutionnellement, démocratiquement et en profondeur si elle veut, tout simplement, espérer en faire partie.
Les échecs accumulés et les avanies subies par l’UE révèlent un criant besoin de renouveau de son projet sur une base fédéraliste et démocratique. Aujourd’hui, les pays comme l’Allemagne se sentent pris en otages par le choix de la solidarité européenne. Une solidarité pourtant si nécessaire quand nous voulons une Europe plus résistante, mais qui est la victime d’un système politique la conduisant nécessairement à sa ruine.
Mais, tout comme le césarisme technocratique d’un président – qui gouverne par conseil de défense dans un état d’urgence prolongé en France – mine la confiance des citoyens et nuit, finalement, au déploiement efficace des mesures, le mode de fonctionnement opaque d’une technocratie bruxelloise déconnectée des citoyens et des réalités semble avoir ses limites.
La nomination même d’Ursula von der Leyen aurait dû poser question, dès 2019, quand Emmanuel Macron l’avait sortie de son chapeau pour la présidence de la Commission à la surprise générale et en défiant le Parlement.
A la faveur de la crise, la Commission a eu l’occasion d’élargir son champ d’action à la santé. Une ambition louable, mais un défi de taille, puisqu’avant la pandémie, le sanitaire relevait des gouvernements nationaux. C’est alors une petite révolution lorsque les Etats membres, après des hésitations coupables dans ce qui s’annonçait comme une course contre la montre, ont chargé la Commission de procurer les vaccins dans le cadre d’une « Union européenne de la santé ».
Pourtant, cet « émouvant moment d’unité » décrit par la présidente de la Commission fin décembre paraît aujourd’hui bien lointain. « L’heure de l’Europe » ne semble malheureusement pas encore venue. Opacité, lenteurs, contrats biaisés… la joute juridique avec AstraZeneca sur la responsabilité des retards de livraison comme l’extraordinaire erreur qui a bien failli recréer une frontière entre les deux Irlandes montrent que le Berlaymont [le siège de la Commission européenne à Bruxelles] n’a pas été à la hauteur de la tâche.
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