« La fragmentation de la société » vue par un maire
Vice-président du parti Les Républicains, le maire de Saint-Etienne s’alarme, dans une tribune au « Monde », des dégâts provoqués par la fragmentation de la société française et plaide pour un nouveau « projet républicain partagé ».
Tribune. Fragmentée, ainsi nous apparaît, tous les jours, la société française après plus de trente années de crise de la parole publique. L’apparition progressive de toutes les formes de populisme, se prétendant porteur de solutions que les « élites infidèles à la France » s’obstineraient à refuser, n’est qu’une synthèse de l’ensemble des divisions traversant le corps social et politique de la France. Le pseudo-volontarisme de ces « marchands de haine », fiers de porter une vision moisie de la France, n’est que l’habillage « élégant » de leur soif de pouvoir visant à créer une société homogène, rejetant toutes les différences, désormais accusées d’être la source de toutes nos divisions.
En tant que maire et président d’une métropole, comme tous mes collègues en France, je vois, tous les jours, les ravages provoqués par cette fragmentation à l’œuvre dans toutes les sphères de la société. Pas un jour sans que nous découvrions des conflits, réels, en gestation ou imaginaires, qu’ils soient sociaux, économiques, culturels, religieux ou sociétaux. D’une société des citoyens libres et égaux nous avons glissé, imperceptiblement, vers une société d’ennemis. D’une société républicaine faite d’hommes raisonnables et fraternels nous naviguons vers une société juxtaposant des intérêts particuliers agrégés qui forment des féodalités. Le sens de l’intérêt général disparaît au fur et à mesure que la parole publique, obnubilée par les courbes de popularité, recherche d’avantage le mot à la mode plutôt que celui censé apporter des réponses concrètes aux défis de notre temps.
Cette parole s’étiolant devient impuissante à résoudre les conflits naturels que traverse toute société. Une impuissance d’autant plus grande qu’elle prospère sur une seule et unique perspective, celle d’une mondialisation uniformisante ne poursuivant qu’un seul objectif : réduire l’homme à sa seule dimension de producteur et consommateur de richesses. Nous ressentons, spontanément, le viol des consciences ainsi imposé à tous ceux qui se sentent dépouillés de leur culture et se voient réduits à devenir les spectateurs d’une mondialisation heureuse uniquement pour des élites préparées à la recevoir. Des consciences, par ailleurs, ramenées à un sentiment, injuste, d’« inutilité coupable », puisqu’elles échouent à trouver leur juste place dans cette société émergente. Lorsque la parole publique devient une « impuissance » mise en scène, la violence devient le seul moyen de régulation des conflits.
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