L’Enjeu de la prospective
Par Jean-Eric Aubert (président de la Fondation 2100), Thierry Gaudin (président d’honneur de la Fondation 2100)
Ceux qui font profession de prévoir le futur, autrement dit qui s’adonnent aux métiers de la prospective, courent en général deux risques : le premier est de se tromper, le second est d’avoir raison trop tôt. La pandémie de Covid-19 nous en offre un exemple tout frais. De nombreux travaux scientifiques ont évoqué la possibilité de la survenue d’un tel épisode sanitaire bien avant qu’il n’apparaisse. Des auteurs ont écrit des livres prémonitoires comme le grand épidémiologiste américain Michael Osterholm (« Deadliest Enemy : Our War Against Killer Germs », 2017), la CIA a alerté, sans parler de Bill Gates qui a sonné l’alarme sur la survenue probable d’une grande et mortelle pandémie. Et pourtant, aucun pays n’a accordé d’importance à ces signaux avancés et tous ont été surpris et largement impréparés.
Est-ce une raison suffisante pour que les prospectivistes changent de métier ? Certainement pas. C’est même le contraire. L’humanité fait face à de tels défis - réchauffement climatique, révolutions technologiques, basculements géopolitiques, transitions démographiques… - qu’il est plus nécessaire que jamais d’en comprendre les enjeux, d’anticiper leurs conséquences et d’agir pour prévenir les catastrophes. Cet horizon peut paraître éloigné, mais les enfants qui naissent aujourd’hui seront, pour la plupart, encore en vie à la fin du siècle. Leur laisser une planète vivable implique de s’engager dans cette prospective opérationnelle et mondiale dès maintenant - d’autant que l’adaptation des sociétés humaines à de profonds changements prend toujours du temps.
Projeter une vue d’ensemble
Comprendre les phénomènes à l’oeuvre, c’est d’abord chercher à en projeter une vue d’ensemble. Une approche partielle, influencée par les conformismes et les consensus, ne permet pas de saisir la complexité de ces phénomènes et leurs interactions. Et lorsque les visions sont inspirées par des idéologies ou des modes, celles-ci biaisent la perception. Soit par excès d’optimisme, par exemple dans les possibilités des technologies vantées par les « transhumanistes ». Soit par excès de pessimisme, avec les perspectives d’effondrement mondial prophétisées par les « collapsologues ».
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