Une cathédrale d’institutions d’expertise
François Bourdillon, ancien directeur de Santé publique France, considère, dans une tribune au « Monde », que le millefeuille institutionnel mis en place a généré des dysfonctionnements dans la campagne de vaccination.
Tribune. L’épidémie de Covid-19 flambe. Depuis plusieurs mois, nous comprenons que nous aurons du mal à réguler l’épidémie avec les seules mesures de confinement et de distanciation, et les mesures barrières. Dans ce contexte, le vaccin apparaît comme un moyen de sortir de la crise, car il est supposé protéger les personnes les plus fragiles : les plus âgées et celles atteintes de comorbidité. La priorité est aussi donnée aux professionnels de santé : très exposés au virus, ils doivent être vaccinés pour réduire les risques de transmission nosocomiale, préserver l’accès aux soins et pour l’exemplarité puisque l’on sait que la vaccination du monde médical crée un très fort effet d’entraînement en faveur de la vaccination.
Pour répondre à la pandémie, le gouvernement a fait le choix de s’appuyer sur un conseil scientifique. En outre, pour les questions relatives à la vaccination, il a mis en place un comité vaccin, un comité d’orientation de la stratégie vaccinale et une tas force interministérielle pour les questions de logistique. Il dispose, de manière institutionnelle, d’un réseau d’agences spécialisées, dont les missions d’expertise et les champs d’action sont définis par la loi : la Haute Autorité de santé (HAS), autorité indépendante, contribue par ses recommandations à l’élaboration de la politique de vaccination. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) apporte son expertise pour la partie réglementaire et de pharmacovigilance ; et Santé publique France (SPF) intervient sur le champ de ses missions : surveillance, prévention et établissement pharmaceutique (approvisionnement et délivrance). La direction générale de la santé, enfin, élabore des « guides » pour aider à la mise en place de la vaccination en fonction des populations prioritaires. Les décisions sont prises en conseil de défense sanitaire, présidé par le président de la République, dont le mode opératoire est tenu secret. Il est vrai que l’enjeu est de taille, tant la vaccination est attendue. Cependant, ce millefeuille inquiète et pourrait, selon certains, être à l’origine des nombreux dysfonctionnements observés dans la conception et la mise en œuvre de la campagne vaccinale.
Injonctions contradictoires
Les producteurs de vaccins ont, eux, réalisé des prouesses en réussissant à offrir un produit efficace et bien toléré, ayant obtenu son agrément aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. Celle-ci a obtenu 300 millions de doses réparties au prorata des populations de chaque pays de l’Union. Un vrai succès, avec toutefois une erreur d’appréciation en volume qui l’a amenée à doubler récemment sa commande.
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