Le réveil de l’ultragauche ?
L’essayiste spécialisé Christophe Bourseiller dans l’étude des extrémismes politiques revient sur ce courant resté marginal mais toujours actif, avec lequel « zadistes » ou blacks blocs entretiennent « une filiation indéniable ».(Notons que le même extrémisme se réveille aussi au-delà de l’extrême droite classique voire cet égard ce qui vient de se passer aux États-Unis NDLR).
Comédien, journaliste, écrivain, historien, Christophe Bourseiller est spécialisé dans l’étude des extrémismes politiques comme l’illustre L’Extrémisme : une grande peur contemporaine (CNRS Editions, 2012) ou encore Histoire générale de l’ultragauche (Denoël, 2003). La régénération de ce courant l’a d’ailleurs amené à en proposer un nouvel opus avec Nouvelle histoire de l’ultragauche (Editions du Cerf, 392 pages, 24 euros).
Votre nouveau livre reprend la matrice de « Histoire générale de l’ultragauche », parue en 2003. Qu’est-ce qui a changé en vingt ans ?
En 2003, je pensais, à tort, que l’ultragauche était un phénomène propre au XXe siècle et qu’il allait s’éteindre au XXIe siècle pour deux raisons : d’abord parce que l’ultragauche s’était bâtie en référence à l’Union soviétique, en affirmant qu’il s’agissait, non pas d’un « Etat ouvrier dégénéré » mais d’une dictature, d’un capitalisme d’Etat. Comme l’URSS avait disparu, ce landmark n’avait plus de raison d’être.
« Plus à gauche que l’ultragauche, il n’y a pas. Ils se considèrent comme les ennemis ultimes de ce monde »
D’autre part, ce courant avait été gravement « endommagé » par l’engagement de certains de ses acteurs dans le négationnisme à partir de la fin des années 1970. Sur cette base, je pensais qu’il était en voie d’extinction. Je me trompais lourdement. Il s’est avéré que, durant les vingt dernières années, plusieurs générations ont vu le jour et l’ultragauche a su, contre toute attente, se renouveler et acquérir une influence notoire.
Il y a souvent une confusion entre ultragauche et extrême gauche. Quelles sont les différences ?
L’ultragauche n’est absolument pas l’extrême gauche. Si on devait schématiser, l’ultragauche est un courant qui s’inclut dans l’extrême gauche. Le terme d’extrême gauche recouvre un ensemble de courants politiques, de groupes, qui luttent pour un changement radical de société, et qui veulent y parvenir par la violence, pour aboutir à la révolution communiste. Dans ces groupes, il y a ceux qui sont autoritaires, comme les maoïstes ou les trotskistes, et d’autres qui sont antiautoritaires, l’ultragauche. Celle-ci incarne ainsi schématiquement le pôle antiautoritaire de l’extrême gauche.
Mais il y a plus. Ceux que l’on classe dans l’ultragauche se distinguent aussi par une sorte de surenchère : plus à gauche que l’ultragauche, il n’y a pas. Ils se considèrent comme les ennemis ultimes de ce monde, et n’éprouvent pas le besoin d’établir des stratégies politiques, ils veulent le détruire, en frappant les symboles de l’Etat, du capitalisme ou encore de l’autorité.
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