Dette : l’illusion de l’annulation

Dette : l’illusion de l’annulation

Le professeur de finance Pierre Gruson dénonce, dans une tribune au « Monde », l’illusion d’une annulation pure et simple de la dette, mais préconise l’émission de titres à long terme et à coupon zéro.

Tribune. « Vous voulez que je fasse de la dette ? », avait répondu François Fillon, en mars 2017, à des soignants épuisés qui l’interpellaient sur leurs conditions de travail. La crise du Covid-19 a balayé bien des dogmes qui prévalaient depuis que les dettes publiques des pays développés ont explosé. Ce phénomène avait débuté à la suite des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. L’endettement s’est encore aggravé lors de la crise financière de 2008. L’ombre de cette dette pèsera longtemps sur les prochaines générations. Elle siphonne une partie des ressources fiscales pour le paiement des intérêts. Une part de plus en plus importante des nouveaux emprunts est affectée au remboursement des précédents.

Lorsque les ratios dette/PIB ont flirté avec le seuil symbolique de 100 %, on pensait avoir franchi une ligne rouge. L’histoire nous procure quelques épisodes bien plus marquants. Au sortir des guerres napoléoniennes, la dette de l’Angleterre approchait les 200 %. Mais le retour à la paix et la révolution industrielle confirmaient son aspect conjoncturel, voire accidentel. A l’heure actuelle, nous devons accepter l’idée de voir ce ratio s’installer durablement à des valeurs stratosphériques. Alors, comme un marronnier, la tentation du défaut de paiement volontaire revient régulièrement, chez les politiques, mais aussi chez les économistes. Nous rêvons tous à la liberté retrouvée de financer le monde d’après-Covid-19. Il est pourtant des contraintes qu’on ne peut ignorer.

Quasi-certitude de faillites

Les créanciers des Etats ne sont pas d’anonymes petits épargnants qu’on pourrait envisager de spolier sans conséquences. La dette publique française est détenue à 24 % par des institutionnels français. Ne pas rembourser, c’est la quasi-certitude de mettre en faillite des banques, des compagnies d’assurances et d’assurances-vie, des fonds de retraites. Pas sûr qu’on y gagne. Faire racheter la dette par la Banque centrale ? C’est déjà le cas, depuis la crise de 2008. Enfin, plus de la moitié de la dette est détenue par des non-résidents (52 %). Ces investisseurs institutionnels ne manqueraient pas de nous traîner en justice, avec le risque de ne plus pouvoir emprunter sur les marchés financiers. Une part important de notre dette est dans les comptes d’autres banques centrales. A l’image de la Banque de France, chaque banque centrale détient en effet des devises pour assurer les besoins commerciaux et financiers de ses ressortissants. Ces avoirs en devises sont investis dans les titres les plus sûrs, les obligations d’Etat d’autres pays. Mais une décision unilatérale entraînerait immédiatement la réciprocité du défaut de paiement, et le commerce international se gripperait.

 

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