« Evolution, écologie et pandémies »
Le biologiste Samuel Alizon déploie ses talents de pédagogue dans son livre pour mettre en lumière l’apport de l’évolution des populations, des hôtes comme des virus ou bactéries, dans la compréhension des épidémies.
Analyse du Monde (extrait)
Le Seuil a eu la bonne idée de ressortir en poche un livre paru en 2016, précieux en ces temps de pandémie. La parution s’accompagne d’un nouveau chapitre et surtout d’une postface incisive où l’auteur, Samuel Alizon, biologiste très impliqué dans l’analyse des génomes viraux et la modélisation de l’épidémie, livre ses pensées à chaud sur la crise en cours. Il y est notamment question des faiblesses françaises de la politique sanitaire, qui privilégierait le soin plutôt que la prévention, et de la politique de recherche, qualifiée d’« utilitariste ». A l’appui de ces critiques, l’auteur rappelle que le Covid-19 est arrivé alors qu’il y avait des protestations des personnels à l’hôpital et des manifestations de chercheurs opposés à une loi de programmation budgétaire.
Surtout, il déploie dans le cœur du livre ses talents de pédagogue sur le fonctionnement des parasites avec une approche très darwinienne, qui revendique la prise en compte de l’évolution des populations, des hôtes comme des virus ou bactéries. Le biologiste commence par rappeler les trois concepts-clé de l’évolution – la variabilité, l’héritabilité et la sélectivité –, pour expliquer les mécanismes des épidémies, l’apparition de résistance, l’origine des pandémies, leur modélisation… On saute de bactéries en virus, du sida à Ebola en passant par le cancer, la drépanocytose ou la myxomatose.
Faire dialoguer les biologies
Le premier chapitre justifie ce regard particulier car le spécialiste considère que la médecine actuelle est assez hémiplégique, tournée vers les mécanismes de biologie moléculaire individuels plutôt que vers l’étude des effets de l’évolution sur les populations. Ce serait la victoire de Pasteur sur Darwin. Mais pour l’auteur il est urgent de faire dialoguer ces deux biologies.
Les chapitres suivants apportent des preuves nombreuses de l’apport de l’évolution dans la compréhension des épidémies. Les surprises et les conclusions contre-intuitives n’y sont pas rares. Beaucoup de questions restent sans réponse, dont la principale, « pourquoi les parasites nous tuent-ils ? ». Ou plongent dans la perplexité : « Les mâles sont-ils les parasites des femelles ? »
Le chapitre sur les traitements, alors que la campagne de vaccination contre le Covid-19 débute lentement en France, souligne la complexité du sujet. La phagothérapie, les peptides antimicrobiens, les moustiques transgéniques ont des avantages et des inconvénients. Sur les vaccins, qui font pression sur l’environnement du virus, le biologiste prévoit que de futures souches plus virulentes émergent – le variant britannique est, lui, plus contagieux –, au risque de menacer les personnes non vaccinées.
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