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Crise : «Des patates et des vaccins» – (Olivier Gossner)

Crise : «Des patates et des vaccins» – (Olivier Gossner)

 

 

Soigner la santé et en même temps l’économie estime l’Economiste et mathématicien, Olivier Gossner est directeur de recherche CNRS, professeur et président du département d’économie à l’Ecole polytechnique, professeur à la London School of Economics.

 

 

Chronique dans l‘Opinion

 

La nature humaine est ainsi faite que les innovations technologiques sont souvent source d’inquiétudes irrationnelles. Les progrès scientifiques sont donc inutiles à eux seuls s’ils ne sont pas acceptés par ceux à qui ils doivent bénéficier en premier lieu. Il est alors de la responsabilité des scientifiques comme des gouvernants d’informer, d’éduquer, de montrer la voie.

Revenons quelques années en arrière, vers 1770-1780, lorsque les guerres et les famines ravagent l’Europe dans son ensemble, et la France tout particulièrement. Pourtant une solution existe pour nourrir à faible coût les populations, c’est la pomme de terre. Venue d’Amérique du Sud, déjà adoptée en Europe par l’Irlande, elle fait l’objet d’un farouche rejet en France où ce tubercule qui pousse sous terre est associé aux enfers et au Diable. Il tient à cœur à Antoine Parmentier, grand scientifique humaniste, chimiste, agronome, pharmacien et diététicien, de changer cette image.

Après des années de campagnes publiques, il a l’idée de génie que l’on sait : il convainc Louis XVI de le laisser faire pousser ses tubercules sur ses propres terres, et finit en beauté par servir le fruit de la récolte à la table royale ! Evidemment, si le Roi en mange c’est que c’est bon et sain. Toute la population en demande, et le succès du tubercule sur nos tables ne s’est pas démenti depuis.

Retour en 2021, la pandémie de Covid-19 fait des ravages chez les personnes âgées, et conduit le gouvernement à prendre des mesures de restriction des libertés qui mettent l’économie à genoux et les nerfs à vif. Mais grâce à des progrès scientifiques encore inimaginables il y a peu, des vaccins sont mis au point, testés, approuvés et mis sur le marché en un temps record.

Alors, sauvés ? Pas si vite, car dans la patrie de Pasteur, nous sommes aussi champions du monde du rejet des vaccins avec 58 % de la population ne souhaitant pas en bénéficier. Gagner la confiance et l’adhésion est alors une préoccupation majeure des pouvoirs publics, à juste titre. Encore faut-il l’art et la manière, et il nous reste quelques progrès à faire sur ce point.

 

Sur la communication d’abord. Qu’a-t-on entendu ? Qu’il faut vacciner lentement pour « avoir du recul », selon le ministre de la Santé lui-même, lequel n’aurait donc pas confiance en les vaccins administrés ! Dans la guerre que nous livrons, que notre général refuse d’aller au feu ne donne pas un très bon signal sur nos chances de victoire. On comprend que l’image donnée une campagne de vaccination « française » issue des recherches de Sanofi-Pasteur aurait renforcé la fierté nationale, et la tentation d’attendre était politiquement forte.

Entre-temps, Sanofi a pris du retard, et l’arrivée du variant britannique du virus à contagiosité renforcée comme la pression de la population ont conduit le gouvernement à changer de braquet en urgence et à redonner du rythme à la campagne de vaccination. Hélas le mal est fait, et les messages d’attente de vaccins prétendus plus sûrs que la dernière génération à ANR messager a signé le discrédit du politique sur le scientifique et le peu de foi accordée à des études cliniques pourtant irréprochables.

Est venue s’ajouter l’idée saugrenue selon laquelle demander un consentement écrit avec un délai de rétractation de 5 jours serait un facteur de confiance. Rappelons qu’aucun des vaccins couramment donnés (dont 11 obligatoires) ne donne lieu à un tel protocole. La théorie des jeux et les sciences comportementales nous aident à nous projeter dans la psychologie collective. Nos populations s’imaginent, à juste titre certainement, que leurs dirigeants sont mieux informés qu’eux-mêmes sur la dangerosité éventuelle des vaccins. Il est alors difficile de rationaliser la demande de signer un consentement qui couvrira les pouvoirs publics en cas de problème, à moins d’imaginer qu’ils ont en eux-mêmes une forte suspicion de complications dues au vaccin. Si cela n’était pas le cas, il faudrait exiger une signature soit pour tous les vaccins, soit pour aucun. Sur ce point aussi, le signal donné est à rebours du besoin de confiance tant répété.

Venons-en à l’ordre de priorité choisi. Après avoir annoncé que les soignants n’étaient pas prioritaires, le gouvernement a fait volte-face en annonçant vouloir vacciner prioritairement ceux de plus de 50 ans. C’est une bonne décision car vacciner les soignants, c’est à la fois protéger des personnels indispensables à la lutte contre l’épidémie, et limiter les risques d’infection des soignés. Mais nous aurions tort d’ignorer le volet psychologique. Les personnels médicaux sont le plus à même d’avoir la confiance des personnes dont elles ont la charge. Dans l’esprit des patients, s’ils se font vacciner, alors qu’ils savent évaluer les niveaux de risque, c’est que le rapport coût-bénéfice est très favorable pour eux, et donc a fortiori pour les plus fragiles. Pour que les personnels médicaux soient des ambassadeurs du vaccin, il faut que tous, et non seulement les plus âgés d’entre eux, puissent en bénéficier prioritairement.

Enfin, le leadership dont nous avons besoin, c’est de montrer la voie par l’exemple. En Israël, le Premier ministre Benyamin Netanyahou ainsi que sa famille et de nombreux ministres se sont fait vacciner, devant toute la presse convoquée. Succès assuré dans un pays connaissant la campagne de vaccination la plus rapide au monde. Ce que le Roy fait, je veux le faire aussi !

Courage. Il convient d’ailleurs de saluer l’initiative du collectif de personnalités du monde médical mené par Axel Kahn, sensibles à la psychologie des soignés auxquels ils sont souvent en contact, et se faisant publiquement vacciner. Notons au passage qu’il ne s’agit pas d’un acte de courage, mais de sens de la responsabilité liée au privilège de bénéficier des vaccins en priorité. Le courage, c’est ce dont ont fait preuve les scientifiques qui se sont acharnés pendant des années à développer des voies que tous croyaient sans issue, ainsi que les centaines de milliers d’individus qui ont participé aux essais cliniques.

Pour faire accepter le vaccin, sachons donc appliquer les excellentes recettes du bon Antoine Parmentier. Montrons l’exemple par le haut et surtout dédramatisons. Les vaccins sont l’acte médical parmi les plus inoffensifs qui soient et doivent être traités comme tel.

Le siècle des Lumières continue à nous donner un formidable éclairage sur la complémentarité entre sciences fondamentales, sciences humaines, et prise de décision politique. C’est en articulant intelligemment ces parties que nous serons à la pointe non seulement du progrès scientifique, mais aussi de l’implication de notre population. La crise actuelle nous le réclame à grands cris, saisissons cette chance.

 

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