UE-France Allemagne : rivaux ou partenaires ?
Il est clair que la France et l’Allemagne sont les piliers de l’Europe. Ils sont souvent partenaires pour faire avancer l’intégration européenne mais aussi rivaux assez souvent quand il s’agit de sauvegarder les intérêts réciproques. De ce point de vue, Merkel a indiscutablement imposé le poids dominant de l’Allemagne en Europe et Macron a surtout réussi à parler mais rarement à influencer le fond. Par exemple concernant ce projet sur les investissements réciproques entre l’union européenne et la Chine surtout voulu par l’Allemagne et contesté en vain la France.
Rien ne peut se faire en Europe sans entente entre la France et l’Allemagne ; mais tout peut s’y défaire quand ces deux pays agissent sans tenir compte l’un de l’autre. L’année 2020 a rappelé la vérité de cet adage. Après une première phase dominée par le retour du chacun pour soi, dont le symbole fut la décision de fermer brutalement les frontières dans l’espoir de freiner la circulation du Covid-19, fin mars 2020, l’« initiative franco-allemande » présentée par Emmanuel Macron et Angela Merkel, le 18 mai 2020, a posé les bases d’un plan de relance européen. Son caractère historique ne doit pas être sous-estimé : pour la première fois, la Commission de Bruxelles va pouvoir emprunter sur les marchés financiers de l’argent qui sera ensuite versé aux Etats membres de l’Union européenne sous forme de subventions et non de prêts.
Comme l’écrivent les historiens Hélène Miard-Delacroix et Andreas Wirsching, « la pandémie de coronavirus a bouleversé bon nombre des données qui semblaient figées ». La suspension brutale de la liberté de circulation des personnes, d’abord : qui aurait cru que même « les gouvernements les plus attachés à cet acquis », comme ceux au pouvoir à Paris et à Berlin, aient « le réflexe ancestral de la fermeture des frontières nationales » ? La défense de la solidarité financière, ensuite : qui aurait imaginé que l’Allemagne, en quelques semaines, se rallie à l’idée d’une dette commune européenne, « véritable virage à 180 degrés » par rapport aux positions défendues par la chancelière allemande ces dernières années ?
Pour comprendre comment de tels revirements ont été possibles, le recours à l’histoire est nécessaire. Et c’est précisément ce que proposent la Française Hélène Miard-Delacroix, professeure à Sorbonne Université, et l’Allemand Andreas Wirsching, professeur à l’université Ludwig-Maximilians de Munich, dans cet ouvrage issu d’un dialogue à bâtons rompus sans prétention à l’exhaustivité mais passionnant quant à la lecture qu’il propose de deux siècles de relations franco-allemandes.
Une question de représentation
Intitulé Ennemis héréditaires ? – le point d’interrogation est ici essentiel –, leur livre rappelle en effet à quel point les relations entre les deux pays sont d’abord une question de représentation. On l’a oublié, mais jusqu’au deuxième tiers du XIXe siècle, c’est la France qui faisait peur à l’Allemagne, et non l’inverse. Marqués par le souvenir de Louis XIV puis de Napoléon, les Allemands, en effet, ont longtemps vu les Français comme un peuple « avide de conquêtes et de pillages ». C’est seulement après la guerre de 1870-1871, racontent les deux historiens, que la France commença à « s’inquiéter de l’agressivité de l’Allemagne ».
Le Monde
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