« Pour une puissance politique et militaire européenne «
Pour sauver la démocratie, partout menacée, l’heure n’est plus aux batailles fratricides mais à resserrer les rangs entre les Etats-Unis et l’Union européenne, qui doit enfin se doter d’une défense commune, plaident, dans une tribune au « Monde », l’eurodéputé Bernard Guetta et vingt-six autres membres du groupe Renew du Parlement européen.
Tribune.
Le temps presse. Les défis que nous avons à relever, nous, démocrates européens et américains, sont immenses car le respect des droits de l’homme et la concertation entre les nations, les valeurs et principes sur lesquels l’ordre international avait été refondé aux lendemains de la défaite nazie sont maintenant contestés par des puissances politiques et des courants intellectuels toujours plus nombreux.
Il y a la Chine, la Turquie, les Philippines ou la Russie, mais les Etats-Unis connaissent, eux, la montée du complotisme, tandis que l’Union européenne doit compter avec des « démocraties illibérales » et l’enracinement d’extrêmes droites nationalistes séduites par les régimes les plus autoritaires. Partout menacée, la démocratie peut perdre la bataille, et cette seule possibilité nous interdit le luxe des querelles secondaires et de la division.
Parce que nous sommes dans la même tranchée, nous ne pouvons plus, nous, démocrates américains et européens, laisser les différends commerciaux des Etats-Unis et de l’Union européenne dégénérer en empoignades fratricides. Entre nous, la règle ne doit plus être la rétorsion mais le compromis. Loin de nous autoriser tous les coups, la compétition entre nos industries doit nous conduire, au contraire, à nous imposer des règles communes en matière d’aides publiques, d’environnement et de fiscalité, afin de pouvoir resserrer nos rangs sur la scène internationale.
Les Etats-Unis n’ont plus d’intérêts à défendre en Europe
C’est la première des révolutions culturelles que nous avons à opérer et, parallèlement, nous ne pouvons plus faire, nous, les Européens, comme si l’élection de Joe Biden nous garantissait la même protection militaire qu’au temps de la guerre froide. Ce ne serait qu’illusion car les Etats-Unis n’ont plus d’intérêts vitaux à défendre en Europe. Ils n’ont même plus d’approvisionnements pétroliers à s’assurer au Proche-Orient, et leurs priorités d’aujourd’hui – ils le disent, nous le savons – sont le Pacifique et l’Asie, la zone où ils doivent relever le défi chinois.
Sauf à nous retrouver nus face aux nostalgies des empires défaits, aux chaos des mondes musulmans, au terrorisme djihadiste et à la poussée de la Chine, nous devons donc nous doter d’une défense commune. Dans aucune des capitales de l’Union, cette perspective n’est plus l’absolu tabou qu’elle avait constitué. Pourtant, nous ne nous hâtons guère de passer aux actes.
Certains d’entre nous craignent de renouer avec la puissance militaire. D’autres ne veulent pas risquer de précipiter un désengagement américain. D’autres encore, souvent les mêmes, ne se résolvent pas à accroître leurs difficultés budgétaires en augmentant leurs dépenses militaires et, sans même se l’avouer, beaucoup des Etats membres persistent à croire que, la parenthèse Trump refermée, le parapluie américain se rouvrira, comme au bon vieux temps.
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