Non à l’intimidation des chercheurs par Veolia

Non à l’intimidation des chercheurs par Veolia

 

Valérie Mignon, présidente de l’Association française de sciences économiques, s’élève dans une tribune au « Monde » contre les tentatives de Veolia d’intimider les chercheurs, mais rappelle l’obligation de transparence sur les conflits d’intérêts

Tribune.

 

La profession des économistes s’est, une nouvelle fois, trouvée mise en cause au sujet de potentiels conflits d’intérêts auprès de grands groupes industriels. L’illustration la plus récente est fournie par la sommation interpellative par huissier subie par un chercheur en économie le 4 décembre. Elie Cohen, spécialiste des opérations industrielles, telles les offres publiques d’achat dont il était ici question, s’était exprimé au sujet de l’absorption de Suez par Veolia.

Cette « affaire » ne constitue pas un cas isolé. En 2012, quasiment jour pour jour, un autre économiste, Bruno Deffains, spécialiste des questions de concurrence, a aussi eu la déconvenue d’une « visite » à son domicile de la part d’huissiers et de policiers. Free, était alors en cause, avec une étude que Bruno Deffains avait réalisée sur l’impact de l’arrivée d’un nouvel opérateur sur le marché de la téléphonie mobile.

Si ces deux cas ont été largement relayés auprès des médias, de nombreux autres exemples existent, notamment dans le domaine de la finance où les économistes ont à maintes reprises été accusés de connivences avec des banques ou autres groupes financiers privés. Si les méthodes employées sont à l’évidence choquantes et condamnables, la question de fond, celle de la transparence et de l’indépendance, doit être clairement posée.

De l’utilité de l’expertise des économistes

Quelle doit être la position des économistes lorsqu’ils sont sollicités par les médias ? Doivent-ils se garder d’intervenir et nous priver de leur expertise, pourtant cruciale, sur leurs sujets de spécialité sous peine d’être accusés de connivence et de conflits d’intérêts ? Les économistes, et notamment les universitaires, doivent-ils rester dans leur « tour d’ivoire » – qui n’a d’ivoire que le nom ! – et ne pas intervenir dans le débat public ? Doivent-ils eux-mêmes se mettre à l’écart et s’autobâillonner de peur d’être l’objet de manœuvres d’intimidation ?

Bien entendu, il convient de répondre par la négative à ces questions, tant l’expertise des économistes peut être utile au milieu industriel, au monde politique et, plus largement, pour le « grand public ». La liberté académique et, plus généralement, la liberté d’expression ne doivent en aucun cas être bafouées à partir du moment où le principe fondamental de totale transparence est respecté.

Les économistes ne doivent pas être l’objet de telles intrusions domiciliaires, inacceptables, dès lors qu’ils font pleinement la lumière quant à leurs conflits d’intérêts et aux liens – notamment financiers – qu’ils entretiennent avec le secteur privé et qu’ils déclarent toute activité susceptible de remettre en cause leur subjectivité.

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