Brexit : l’avenir à reculons pour le Royaume-Uni

Brexit : l’avenir à reculons pour le Royaume-Uni

 

En rompant avec ses voisins, au risque de l’isolement, le Royaume-Uni se retrouve face à une question jamais réglée depuis 1945 : sa place dans le monde, observe Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

 

Ce devait être une promenade de santé, un chemin parsemé de roses. Une fois le Brexit voté, l’accord commercial avec l’Union européenne (UE) sera « l’un des plus faciles [à négocier] de toute l’histoire humaine », avait prédit le ministre Liam Fox. La vie hors de l’Europe sera « formidable », avait surenchéri Boris Johnson, alors maire de Londres, car « sortir de l’UE ne coûtera pratiquement rien alors qu’y rester coûterait très cher ».

Quatre ans et demi plus tard, et même si un accord a finalement été conclu jeudi 24 décembre, le divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’aura été qu’un interminable cauchemar.

« Nous entrons dans ce bref et trompeur intervalle qui sépare le moment où l’on se jette de la falaise de celui où l’on s’écrase sur les rochers en contrebas, résume Peter Kellner, ancien patron de l’institut de sondage YouGov. Au moment du crash, la douleur mettra à nu les mensonges qu’on nous a faits depuis le référendum sur le Brexit, et mettra en lumière les choix que nous avons esquivés depuis soixante-quinze ans. » L’opposition sur les quotas de pêche et les règles de concurrence l’ont fait oublier : si le Brexit est un choc pour l’Europe, c’est un saut historique dans le vide pour le Royaume-Uni.

La « Global Britain » promise par M. Johnson n’a jamais eu de véritable contenu, au-delà d’un slogan percutant. Quant au projet d’un « Singapour sur Tamise », paradis fiscal dérégulé aux portes de l’UE dont rêvaient les ultralibéraux proches du premier ministre, il est rendu obsolète par la crise due au Covid-19 qui impose de puissantes interventions de l’Etat.

Pour les Britanniques, le Brexit équivaut à un « retour vers le futur »… dans les années 1950. Tandis que l’Allemagne et la France se lancent alors dans la construction européenne, les Britanniques refusent de rejoindre ce projet bien trop limité au regard de leurs ambitions et initié par deux pays qu’ils considèrent, contrairement à eux, comme les perdants de la guerre.

« Messieurs, ce que vous êtes en train de négocier ne marchera pas, assène l’envoyé de Londres aux pourparlers qui, en 1955, vont aboutir au traité de Rome, avant de lancer ironiquement en français : « Au revoir et bonne chance ! » Du haut de son prétendu statut impérial, le premier ministre, Anthony Eden, toise l’Europe : « Nos pensées nous portent au-delà des mers, vers ces populations auprès desquelles nous jouons un rôle dans toutes les parties du monde. »

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