Économie internationale : C’est en Europe surtout que la France est faible
La lauréate du prix du meilleur jeune économiste 2020 Isabelle Méjean observe, dans une tribune au « Monde », que 60 % des échanges de la France avec le reste du monde se font à l’intérieur du Marché commun.
Tribune.
La pandémie a de nouveau mis en lumière les excès de la mondialisation. En cause : la déforestation, qui bouleverse les niches écologiques des animaux hôtes et favorise l’émergence de nouveaux virus, et la mobilité internationale des individus, qui aide à diffuser l’épidémie. Les tensions protectionnistes ressurgissent, comme en témoignent les appels au souverainisme économique, qui serait la solution aux problèmes d’approvisionnement en matériel sanitaire, mais aussi en produits de toute sorte, du printemps 2020. Ces tensions interviennent dans un climat international globalement sceptique à l’égard du libre-échange, qui a atteint son apogée avec le vote au Royaume-Uni sur le Brexit, en 2016, et la guerre commerciale sino-américaine de 2018.
Ce scepticisme est nourri par le sentiment d’un insuffisant partage des gains de la mondialisation, confirmé par de nombreux travaux académiques. D’un côté, les grands gagnants, les multinationales, leurs actionnaires et leurs cadres, qui bénéficient majoritairement des nouvelles opportunités offertes par l’ouverture des pays émergents, et peuvent exploiter les règles de la fiscalité internationale pour éviter l’impôt. De l’autre, les perdants, les entreprises exposées à une concurrence étrangère accrue et leurs salariés, victimes de destructions d’emplois dans une économie marquée par le chômage de masse. Entre les deux, un bénéfice en termes de pouvoir d’achat réel mais diffus, et donc difficile à appréhender. On estime que l’augmentation des importations en provenance de Chine entre 1995 et 2007 a détruit environ 100 000 emplois en France, des pertes concentrées géographiquement, tandis qu’elle a amélioré le pouvoir d’achat annuel de chaque ménage de 1 000 euros, des gains répartis sur toute la distribution des revenus. A cela s’ajoutent des difficultés à mettre en place des politiques environnementales ambitieuses, dans un contexte où la perte de compétitivité des entreprises françaises semble une menace insurmontable.
Si ces problèmes sont réels, on oublie parfois que, pour l’économie française, la mondialisation se joue avant tout à l’échelle européenne. Environ 60 % des échanges de la France avec le reste du monde se font à l’intérieur de l’Union européenne (UE), quand les biens en provenance d’Asie représentent 15 % des importations françaises. Les entreprises françaises ont des chaînes de valeur principalement européennes. Et si la France a un problème de compétitivité, c’est vis-à-vis de ses partenaires européens plus que des pays asiatiques.
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