Sortir du mythe de la croissance ?

Sortir du mythe de la croissance ?

 

Eloi Laurent enseignant à Sciences-Po, à Ponts Paris Tech et à l’université de Stanford en Californie soutient dans la Tribune que l’espérance de vie doit devenir notre boussole dans un monde où l’urgence du réchauffement climatique doit obliger les gouvernements à agir. Pour assurer cette transition, il appelle à sortir du « mythe de la croissance » et propose la mise en oeuvre d’un Etat social-écologique.

 

Quelle est la genèse de votre (*) ouvrage ?

ELOI LAURENT - J’ai eu l’idée d’écrire cet ouvrage au début de l’année 2019. Dix ans après la publication du rapport de la Commission sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social dit « Rapport Stiglitz », je m’interroge sur ses limites. Je me suis demandé pourquoi les Etats n’avaient pas davantage progressé dans la sortie de ce que j’appellerais l’économie du vingtième siècle, c’est-à-dire une économie centrée sur le PIB et sa croissance. Et je m’interroge d’autant plus qu’on est face à des crises écologique et sociale de plus en plus graves. J’en arrive à la conclusion que la croissance n’est pas seulement un indicateur, c’est surtout un imaginaire encastré dans des institutions. Il faut donc opposer un contre-récit à la croissance et des moyens pratiques d’en sortir. La critique de la croissance est maintenant faite et admise par beaucoup de monde. Il faut vraiment réfléchir à un récit économique sur la société et l’économie d’après la croissance. En économie comme ailleurs les récits sont extrêmement importants.

D’ailleurs, il y a une nouvelle branche de la discipline économique qui s’appelle « narrative economics », développée par des chercheurs comme Robert Shiller, qui a travaillé sur l’importance des mécanismes psychologiques dans le déclenchement des crises financières. Cette discipline cherche à décrypter les récits qui sont structurants pour les sociétés et même pour l’existence humaine. Jean-Paul Sartre écrit que les humains cherchent à « vivre leur vie comme s’ils la racontaient ». J’en arrive à la conclusion que le grand récit économique du 21ème siècle est au fond celui des origines de l’humanité : nous sommes des êtres de Nature, la santé est la grande médiation entre les systèmes naturels et les systèmes sociaux.

Mais il faut garder en tête le second enjeu, celui d’encastrer les visions alternatives du monde économique dans les politiques publiques pour les transformer en véritables politiques de bien-être. Car on ne manque pas d’indicateurs alternatifs. Ce dont on manque, c’est qu’ils soient vraiment efficaces pour changer les politiques. A partir de là, je me mets à travailler sur un livre qui en sera deux : Sortir de la croissance (paru en 2019) puis Et si la santé guidait le monde ?

Vous montrez que des économistes ont adopté la posture du médecin. Comment expliquez-vous de telles prises de position ?

C’est quelque chose que j’ai découvert et qui est relativement nouveau dans l’éclairage que donne le livre. L’économie est une forme de science par procuration. C’est une discipline qui cherche à exister comme science et qui se cherche une forme de respectabilité scientifique. La première influence, c’est vraiment la physique. Mais la médecine joue aussi un rôle : l’économie comme un corps humain, l’économiste comme médecin. La figure centrale de ce courant est François Quesnay, le chef de file des physiocrates, les premiers qu’on appelle « les économistes » du fait de leur influence dans les cercles de pouvoir. Avec Quesnay apparaît la figure de l’économiste médecin.

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