« Sauver “Science & Vie !” »
Dans une tribune au « Monde », un collectif de près de trois cents universitaires et scientifiques, parmi lesquels Philippe Descola, Julie Battilana, Françoise Combes, Annie Ernaux, Gabriel Zucman ou Julia Cagé, dénonce les pratiques du groupe Reworld qui contrôle Science et Vie
Tribune.
Saviez-vous que la découverte de nouveaux corps venait remettre en cause la date de l’éruption du Vésuve ? Nous non plus. Et pour cause : il s’agit d’une fausse information. Un article publié en ligne le 2 décembre sur le site de Science & Vie par une apprentie en formation au « media content manager » Bachelor de Reworld Media Campus (pardonnez le franglais) contre l’avis – et malgré les protestations – de la rédaction du journal, qui n’a plus accès aujourd’hui aux contenus publiés sur son propre site.
Petit rappel des faits : en juillet 2019, le groupe Reworld Media, groupe créé en 2012 par Pascal Chevalier, figure de la « French tech », et qui se présente comme « un groupe d’entrepreneurs français avec une culture start-up », a fait l’acquisition de Mondadori France, mettant ainsi la main sur une trentaine de titres, dont Biba, Grazia et Science & Vie et devenant au passage le premier groupe magazine français.
En 2019 déjà, ce rachat avait suscité les protestations des salariés du groupe inquiets pour leur avenir. Car les méthodes de Reworld sont en contradiction même avec l’éthique journalistique : produire du contenu sans rédaction. Et de fait, au cours des derniers mois, Reworld a fait partir petit à petit les journalistes de ses titres nouvellement acquis : d’une part, 60 % d’entre eux ont fait jouer leur clause de cession au moment du changement d’actionnariat sans être remplacés ; pour les autres, Reworld s’est prévalu de « l’équation économique » pour finir d’externaliser leur fabrication, mettant ainsi fin à la parution en kiosque de l’hebdomadaire Grazia, et supprimant au passage une trentaine d’emplois.
Pas d’information sans journalistes
Nous soutenons aujourd’hui les salariés de Science & Vie – ainsi que ceux des autres titres du groupe Reworld Media – car nous pensons qu’on ne peut pas faire d’information sans journalistes. Faut-il rappeler qu’en ces temps de controverses scientifiques et de désinformation galopante, par exemple autour de la question du vaccin contre la Covid-19, nous n’avons jamais autant eu besoin d’une information scientifique indépendante et de qualité ?
Nous les soutenons car nous pensons que les médias ne sont pas des entreprises comme les autres : l’information est un bien public ; l’actionnaire d’un média ne devrait pas être libre de le vider de sa rédaction, d’externaliser la production de contenus – puisque sans journalistes il ne peut plus s’agir d’informations – dans le seul but de faire fructifier la marque à moindres frais et de maximiser ainsi sa rentabilité.
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