La problématique de la dette
Régis de Laroullière, ancien délégué général de Médéric, conseil en stratégie et gestion des risques évoque dans l’Opinion la problématique de la dette.
« La santé n’a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte… Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte, là aussi », déclarait le président de la République dans son allocution télévisée du 12 mars 2020.
Rassurés sur cet aspect du dispositif mis en place pour reprendre le contrôle de l’épidémie, nous pouvions rester chez nous, et contribuer à un confinement efficace de nature à faire retomber rapidement la vague épidémique de la Covid-19. La formule a fait effet.
Mais en même temps émergeait une double inquiétude : cette formulation ne risquait-elle pas de conduire au coût maximal ? Et qui d’autre que nous pourrait bien payer à la fin ? Nous fûmes rapidement rassurés : les hausses d’impôts étant rapidement écartées, ce serait la dette.
Pourtant, l’inquiétude demeure. Certes l’encours de la dette coûte de moins en moins avec les effets de la baisse des taux d’intérêt, et la nouvelle dette ne coûte actuellement quasiment rien. Mais si les taux d’intérêt venaient à remonter un jour ? Si avec la baisse des taux, la dette est de moins en moins un boulet, elle est devenue une épée de Damoclès. Et elle grossit particulièrement vite chez nous.
Sur qui pèse cette menace ? Chacun sait que l’Etat ne peut emprunter que parce qu’il a la capacité de lever l’impôt. Si cela doit coûter un jour, c’est à nous tous, contribuables, que reviendra la charge. Naturellement, les plus riches paieront davantage. Mais il suffit de regarder l’importance des impôts payés par tous dans les ressources de l’Etat, et les efforts faits à de nombreuses reprises depuis quarante ans pour faire payer davantage les riches, aux limites de l’exode fiscal pour les très riches, sans arriver pour autant à enrayer la croissance de la dette de l’Etat, pour se convaincre que la répartition de l’effort ne pourra pas être sensiblement modifiée.
Augmenter progressivement la quantité travaillée totale et la production en résultant de 12 % environ ramènerait à dépense publique et transferts constants le ratio prélèvements obligatoires pré-Covid de 44,1 % en 2019 à 39,4 %
Menace. Alors, que faire pour nous protéger de cette menace ? Car il est peu probable que les taux d’intérêt demeurent perpétuellement nuls. D’urgence, éviter d’accroître le risque, en gérant mieux la suite de l’épidémie, pour éviter une troisième vague en attendant la protection qu’apporteront, d’ici l’été prochain nous l’espérons, les vaccins. Ensuite, réduire la dépense publique, et/ou augmenter la base contributive.
Depuis des décennies, nous essayons de réduire la dépense publique. Mais celle-ci est largement proportionnelle à la population : éducation, justice et ordre public, défense, équipements publics, santé, transferts sociaux, ces derniers représentant plus de la moitié. Au moment où chômage et pauvreté augmentent rapidement, ce qui sera fait ne pourra suffire. Faut-il alors, pour ne pas hypothéquer davantage l’avenir, envisager d’augmenter la base contributive, en produisant et travaillant davantage ?
La durée du travail annuel rapportée à la population globale est de 634 heures par an en France, 709 heures en Espagne et 713 en Italie (+12 %), 729 en Allemagne, 752 pour la moyenne européenne, et 830 pour les USA. Augmenter progressivement la quantité travaillée totale et la production en résultant de 12 % environ ramènerait à dépense publique et transferts constants le ratio prélèvements obligatoires pré-Covid de 44,1 % en 2019 à 39,4 %. La dépense publique passerait de 55,6 % du PIB à 49,6 %. La quantité de biens et services marchands ainsi produits à se partager augmenterait très sensiblement, améliorant d’autant le pouvoir de vivre. Et le ratio dette sur PIB serait mécaniquement réduit de 120 % à 107 %.
Si ceci ne règle pas tout, ce serait une contribution majeure, et d’autant plus acceptable qu’elle se ferait au moyen d’un vaste effort pour rendre le marché du travail plus inclusif, alors qu’il est souvent devenu très inhospitalier. Cette perspective figurera-t-elle parmi les recommandations de la Commission sur l’avenir des finances publiques que le Premier ministre vient d’installer ?
Régis de Laroullière, ancien délégué général de Médéric, conseil en stratégie et gestion des risques.
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