La problématique de la dette

La problématique de la dette

«Les gouvernements auront un jour à prendre des décisions difficiles quant à l’arrêt de ces aides pour les entreprises non viables, ce qui dans certains pays, prendra du temps» explique dans l’Opinion James McCormack , responsable mondial de la notation des souverains chez Fitch Ratings.

 

 

En 2008, le Congrès américain avait d’abord hésité avant d’adopter la loi de stabilisation économique d’urgence pour aider les banques en difficulté. La stabilité des marchés financiers était en jeu et les conséquences économiques d’un effondrement auraient été graves : les politiques avaient donc accepté le niveau plus élevé de dette publique qui accompagnait cette décision.

Douze ans plus tard, en pleine crise du coronavirus, la stratégie politique aux Etats-Unis et dans la plupart des autres pays a radicalement changé. Ce ne sont plus les banques qui sont en difficulté, mais les systèmes de santé, les ménages et les entreprises qui subissent de plein fouet les effets de la crise. Le soutien budgétaire est arrivé rapidement et massivement, en particulier dans les pays développés. L’intervention massive des l’États dans l’économie a été presque universellement saluée et jugée nécessaire. La question des conséquences de l’augmentation de la dette publique est reportée.

Une réponse politique acceptée en temps de crise, surtout si elle s’avère efficace, devient plus facile à envisager après la crise. Ainsi, il semble y avoir désormais un a priori favorable à l’idée d’un Etat plus interventionniste dans les années à venir

Une réponse politique acceptée en temps de crise, surtout si elle s’avère efficace, devient plus facile à envisager après la crise. Ainsi, il semble y avoir désormais un a priori favorable à l’idée d’un Etat plus interventionniste dans les années à venir.

Il y a trois raisons qui devraient amener à penser que les gouvernements continueront à jouer un rôle plus important même après un retour de la croissance.

Récession. Tout d’abord, la récession de cette année – même si elle est de courte durée, n’est pas un ralentissement cyclique classique et ne sera pas suivie d’une reprise cyclique classique. Certains secteurs, tels que les services en contact avec les clients et demandant beaucoup de main-d’œuvre, sont susceptibles de connaître des niveaux de croissance et d’emploi en deçà de la normale sur longue période, en particulier si le confinement est suivi de changements structurels de comportement continuant à affecter la demande. Avec le temps, une part plus importante de l’aide publique destinée à aider ces secteurs servira surtout à éviter les fermetures et les faillites d’entreprises. Les gouvernements auront un jour à prendre des décisions difficiles quant à l’arrêt de ces aides pour les entreprises non viables, ce qui dans certains pays, prendra du temps.

Ensuite, les dépenses publiques resteront probablement plus élevées après la pandémie car, avant même le virus, la question des inégalités sociales et de revenus et les préoccupations climatiques et environnementales avaient émergé dans le débat public. Ces questions conduisent inévitablement à une plus grande intervention de l’État et ont été amplifiées par le coronavirus, qui a également révélé des insuffisances dans les systèmes de santé publique. L’augmentation des préoccupations de politique publique dans certains domaines et celle des dépenses publiques dans d’autres constituent deux tendances convergentes. Cela sera encore plus vrai si les réponses des gouvernements à la pandémie sont considérées comme efficaces. Des mesures similaires devraient être appliquées à d’autres priorités sociétales.

Le troisième facteur contribuant à l’augmentation du poids du gouvernement dans la société est la disponibilité d’un financement bon marché. Les contraintes budgétaires sont assouplies grâce à des marchés de capitaux conciliants et influencés à leur tour par des banques centrales conciliantes. Aujourd’hui, contrairement à la dernière crise, les Etats sont désormais les premiers destinataires de l’essentiel des interventions des banques centrales.

Quelles sources de financement ? Les sources de financement de la dépense publique ont fait l’objet de débats animés sur les dernières années, bien avant la crise du coronavirus. Jusqu’à présent, les gouvernements disposaient de deux sources conventionnelles, tous deux faisant appel au secteur privé qui soit paye l’impôt pour financer les dépenses publiques soit prête pour financer le déficit public. Mais comme la plupart des gouvernements n’ont pas d’autres revenus que les impôts, le paiement des intérêts sur les emprunts antérieurs finit par nécessiter davantage d’emprunts à mesure que la dette augmente, remettant en question la viabilité à long terme du modèle. Sans parler d’une éventuelle augmentation des taux d’intérêt.

Une troisième option de financement, non conventionnelle, consiste à s’appuyer directement sur la banque centrale, en contournant entièrement le secteur privé. Il faudra néanmoins prouver que cette approche, efficace en temps de pandémie (avec le quantative easing), l’est également en temps normal.

La combinaison de décisions politiques difficiles liées à la fin des aides économiques, la résurgence de plusieurs questions sociétales nécessitant l’intervention de l’État et la disponibilité de financements bon marché sont autant d’indices pointant dans la direction d’un interventionnisme étatique accru. Comme ce changement sera probablement progressif et largement soutenu au regard de crise traversée, la controverse qu’il suscitera devrait rester modérée. Il s’agit néanmoins d’un changement de taille qui mérite d’être clairement explicité pour pouvoir articuler les décisions politiques actuelles et à venir dans une perspective de long terme.

James McCormack est responsable mondial de la notation des souverains chez Fitch Ratings.

0 Réponses à “La problématique de la dette”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol