« La santé des banques mise en cause ? « 

« La santé des banques mise en cause ? « 

Denis Alexandre ,consultant fintech et risque, fondateur de DAAdvisor, estime dans une interview à l’Opinion que la mise en cause de la santé des banques peut être discutée.

 

 

La crise du Covid-19 nous fait découvrir sans cesse de nouveaux « spécialistes » en épidémiologie ou en santé publique, qui annoncent tout et son contraire. On dirait que cette cacophonie des experts s’est propagée à la sphère financière : chaque jour des « spécialistes » expriment leur diagnostic et leurs remèdes pour sauver les banques. La seule différence est qu’ils le font non pas sur les chaînes d’information en continu mais dans de prestigieuses revues académiques, journaux ou sites professionnels. Extraits.

« Les banques françaises ne sont pas loin de la faillite »

Le teasing est le suivant : attention, les banques françaises ne sont pas loin de la faillite ! Si un crédit sur cinq n’était pas remboursé, elles ne pourraient pas absorber leurs pertes et seraient défaillantes. Cette hypothèse est fortement contestable. Nous vivons certes dans une crise exceptionnelle, mais on n’a jamais encore observé une incidence de 20 % des défaillances d’entreprises au cours des crises précédentes, où le niveau de défaillance n’a jamais dépassé les 10 %.

Mais surtout, quand un client fait défaut, la perte pour la banque n’atteint jamais le montant total de la créance car elle fait jouer les garanties dont elle dispose et récupère une bonne partie du crédit. Les données issues des crises précédentes montrent qu‘un niveau de défaillance de 10 % engendre globalement seulement 4 % de perte, très loin du chiffre de 20 % évoqué par certains spécialistes, comme Jézabel Couppey-Soubeyran. La marge d’erreur est plutôt grossière, un peu comme si les « experts » Covid parlaient d’un taux de mortalité de 20 % au lieu de 4 %…

« La régulation est toujours insuffisante »

Suite à la crise financière de 2008, les autorités de régulation ont forcé les banques à se recapitaliser et elles sont donc plus sûres. Nos spécialistes le reconnaissent mais soulignent que les modèles de risque réglementaire qu’utilisent les banques françaises seraient complexes, manipulables et ne refléteraient donc pas le « vrai » risque. Cette remarque n’est pas surprenante de la part de notre spécialiste qui « modélise » une défaillance comme une perte de 100 % sur le crédit…
Plus sérieusement, les modèles réglementaires relèvent d’un process de validation très dur, tant en interne qu’avec le régulateur. Un modèle trop simpliste aurait comme conséquence de limiter très fortement, pour de mauvaises raisons, la capacité des banques à financer l’économie réelle.

A titre de comparaison avec la Covid, cela reviendrait à utiliser des tests si sensibles qu’ils donneraient un nombre très important de faux positifs… juste pour éviter qu’aucune contamination ne passe à travers les mailles du filet.

Nos experts reprochent aussi au régulateur d’avoir allégé certaines contraintes réglementaires suite à la crise sur la Covid, mettant le système en danger pour faire « plaisir » aux banques. Or ce n’est en rien un « cadeau ». La BCE se montre au contraire pragmatique. Si elle incite les banques à constituer un matelas pendant une période « calme », elle leur donne la possibilité de l’utiliser lors d’une crise. C’est cela qui permet de financer les entreprises et les ménages sans risquer de rentrer dans un cycle récessif comme pendant la crise de 1929. L’interdire serait comme empêcher les Français qui ont augmenté leur épargne de précaution depuis le début de la crise de dépenser leurs liquidités.

« Les banques ne servent plus à rien »

Dangereuses, pas rentables et incapables de financer l’économie réelle… Autant d’arguments qui remettent en cause ni plus ni moins que l’utilité, voire la raison d’être des établissements de crédit. Certains experts, comme Mme Couppey-Soubeyran, proposent que les banques centrales financent directement les acteurs économiques ; plus surprenant, d’autres, comme Patrick Artus, que les dépôts bancaires soient remplacés par un « crypto euro », lui-même émis par la BCE.
La connaissance du client ne leur semble plus du tout nécessaire à l’octroi de crédit. C’est oublier que les Prêts Garantis par l’Etat, qui ont sauvé au moins à court terme de multiples emplois, auraient été inenvisageables, d’une part sans l’analyse de terrain permettant de faire la part entre le bon grain et l’ivraie, d’autre part sans les moyens informatiques des banques indispensables à la production de ces prêts. Quant au crypto euro, il verra certainement le jour bientôt, mais pour des cas d’usage autres que ceux concernant les dépôts bancaires de la clientèle particulière.

« Mourir en bonne santé »

Un diagnostic fait consensus ​: le problème de rentabilité des banques européenne et la faiblesse boursière qui en découle. Ce manque de rentabilité est essentiellement dû à une courbe de taux plate et proche de zéro et à des taux de marge bien inférieurs à celui du marché américain tant dans le domaine de la banque d’investissement que de la banque de détail.

Si disposer de banques domestiques puissantes semble bien être une priorité nationale (au moins autant que la production de paracétamol), privilégions des mesures pragmatiques comme celles de la BCE pour éviter que nos banques meurent en bonne santé, plutôt que de suivre nos experts dont les recommandations accéléreraient le phénomène.

Denis Alexandre est consultant fintech et risque, fondateur de DAAdvisor.

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