« Pour mieux soigner en Europe changer de contrat social».
La tribune dans l’Opinion de dirigeants de biotechs notamment André Choulika, John Crowley, Daniel de Boer, Paul Hastings, Rachel King, Jeremy Levin, Ted Love, John Maraganore, Hans Schikan, Onno Van De Stolpe
Tribune
Alors que la France fait face depuis le début de l’année à la Covid-19, elle concentre à juste titre son attention sur les implications à long terme de cette crise. Une ligne directrice s’est imposée : il faut renforcer l’autonomie stratégique et la souveraineté technologique dans les secteurs industriels clefs, tels que l’industrie biopharmaceutique. Le plan de relance, le PLF 2021, mais aussi le PLFSS 2021, en cours d’examen au Parlement, en témoignent.
L’épidémie a mis à nu les faiblesses structurelles de notre société. A la suite de Mary Robinson, ancienne Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, de nombreuses voix ont ainsi appelé à un nouveau contrat social. La santé ne doit pas se soustraire à cet appel. A l’ère de la Covid-19, alors que des sociétés de biotechnologie d’un type nouveau émergent, il est sans doute temps de repenser les rapports entre les différents acteurs de la santé.
Dirigeants de sociétés de biotechnologie en France, en Europe et aux Etats-Unis, nous voulons être une force de proposition et nous faire acteurs de cette réflexion, avec les pouvoirs publics, les patients et les professionnels de santé.
Jusqu’alors, le contrat social entre les entreprises de biotechnologie et la société reposait sur un système qui garantissait un investissement continu dans le progrès scientifique et, in fine, le développement de thérapies abordables et efficaces pour les générations futures. Le cadre juridique actuel illustre parfaitement ce contrat social : incitations et protection de l’innovation pendant un certain temps, puis entrée des médicaments dans le domaine public.
Nous continuons à croire en ce cycle. Il a démontré sa pertinence : le monde connaît aujourd’hui une véritable révolution biotechnologique, marquée par l’arrivée imminente d’une nouvelle vague de traitements de rupture, notamment pour les patients atteints de maladies rares. Nombre de ces nouvelles technologies font partie du pipeline de potentiels traitements contre la Covid-19.
La mission de notre industrie est de développer des traitements qui améliorent la santé des patients ; nous sommes insatisfaits du fait que des percées médicales ne soient pas rapidement mises à leur disposition
Mais peut-être ce contrat social ne tient-il plus toutes ses promesses ? Nous ne sommes pas sourds aux critiques dénonçant prix abusifs, abus de propriété intellectuelle et stratégies de négociation agressives des laboratoires. Il serait tout aussi juste de préciser que le développement de nouvelles technologies ne va pas sans prise de risque et disruption. La mission de notre industrie est de développer des traitements qui améliorent la santé des patients ; nous sommes donc tous insatisfaits du fait que des percées médicales majeures ne soient pas rapidement mises à leur disposition.
Aussi, le temps nous paraît venu pour un nouveau pacte, en vertu duquel les pouvoirs publics s’engageraient à valoriser et récompenser les innovations que nous apportons, et l’industrie biotechnologique à redoubler d’efforts pour garantir l’accès à l’innovation et à agir avec responsabilité et intégrité avec les patients en France et en Europe.
Sans tabou. Pour remplir nos obligations envers les patients, les médecins et les pouvoir publics et renouveler la confiance dans notre capacité à accomplir notre mission, nous appelons à un nouveau contrat social européen en matière de biotechnologie, impliquant une série d’engagements sur la recherche clinique, la propriété intellectuelle et les incitations réglementaires, des solutions innovantes en matière de prix, de remboursement et d’accès, et bien d’autres choses encore. C’est l’objet de la démarche engagée par 69 d’entre nous. Nous espérons qu’à l’avenir beaucoup d’autres nous rejoindrons.
Pour que de tels engagements puissent être pris, il nous faudra échanger sans tabou sur le développement de mécanismes de tarification, de financement et d’accès plus innovants, de nature à accélérer la disponibilité des traitements de rupture en France et en Europe. Nous savons que cela prendra du temps, mais nous croyons en notre capacité à nous respecter les uns les autres, à trouver des intérêts communs et, fondamentalement, à la volonté de chacun d’améliorer les soins d’aujourd’hui et de demain.
André Choulika (Ph.D.) est Président-directeur général de Cellectis, Paris (France), New-York et Raleigh (Etats-Unis). John Crowley est Président et Directeur Général d’Amicus Therapeutics, Cranbury, New Jersey (Etats-Unis). Daniel A. de Boer est Directeur Général, ProQR Therapeutics, Leyde (Pays-Bas), Cambridge, (Massachusetts, Etats-Unis). Paul Hastings est Directeur Général de Nkarta Therapeutics, South San Francisco (Californie, Etats-Unis). Rachel King est Directrice Générale de GlycoMimetics, Inc., Rockville, MD. Jeremy Levin, D.Phil., M.B. B.Chir., est Président et Directeur Général d’Ovid Therapeutics, New York. Ted Love est Docteur en médecine et Directeur Général, Global Blood Therapeutics, South San Francisco, CA. John Maraganore est Docteur et Directeur Général d’Alnylam Pharmaceuticals, Cambridge, MA. Hans Schikan est Membre du Conseil d’Administration et ancien Président a.i. de Health-Holland, La Haye (Pays-Bas). Onno Van De Stolpe est Directeur Général, Galapagos, Mechelen (Belgique).
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