Après Biden : « Le populisme vaincu » ?
Roland Lescure député LREM des Français de l’étranger, circonscription États-Unis et Canada, a sans doute raison d’être très prudent vis-à-vis du devenir du populisme tant en France qu’au États-Unis. La complexité des crises que nous vivons amène en effet une partie de l’opinion à se ranger du côté d’orientations simplistes et irréalistes mais de plus en plus soutenues qui peuvent déboucher sur les pires catastrophes et où favoriser des solutions et des régimes autoritaires. Cela d’autant plus que ce populisme est aussi alimenté par l’immobilisme et les contradictions des forces politiques au pouvoir. ( Interview de Figaro
L’élection de Joe Biden est-elle une bonne nouvelle pour la France ?
ROLAND LESCURE.- Oui ! Ça ne veut pas dire que d’un seul coup la lune de miel commence et que les affres de la relation entre la France et l’Amérique vont disparaître du jour au lendemain. Mais on aura face à nous un homme prévisible alors que Donald Trump pouvait changer d’avis du lundi au mardi. Ensuite, le multilatéralisme y gagnera. Les États-Unis rentreront de nouveau dans l’Accord de Paris pour le climat, (après l’avoir quitté formellement mercredi, NDLR). A mon sens, Joe Biden aura une vision plus coopérative dans sa relation avec l’Europe. Même s’il ne faut pas se leurrer : les États-Unis regardent moins vers l’Europe depuis dix ans. Ils considèrent que l’Europe n’est pas bien gérée. Quand bien même l’Europe est au rendez-vous depuis trois ans avec Emmanuel Macron et Angela Merkel. L’Europe serre les rangs grâce à la crise, au Brexit et à Trump.
La victoire de Joe Biden met-elle un coup d’arrêt à la vague populiste ?
Non. Pour reprendre une formule célèbre et la modifier un peu : le populisme a perdu une bataille mais n’a pas perdu la guerre. La vague populiste, initiée il y a dizaine d’années avec le Tea Party aux Etats-Unis et qui se poursuit aujourd’hui en Hongrie ou en Pologne, a été couronnée par le Brexit et l’élection de Donald Trump en 2016. Cette vague, qui repose sur un clivage entre les laissés-pour-compte et ceux qui ont profité de la prospérité économique, n’est pas terminée. On le sait, dans les moments de crise comme celle que nous traversons, les leaders populistes ont tendance à prospérer en agitant des solutions simplistes.
Donald Trump n’a-t-il pas abordé des thématiques intéressantes lors de son mandat ?
Quand quelqu’un est élu et que quatre ans plus tard il obtient les suffrages de 70 à 80 millions d’Américains, c’est qu’il doit probablement faire des choses bien. D’abord des constats. Sur la difficulté de la mondialisation, sur l’économie américaine coupée en deux entre ceux qui réussissent et ceux qui ne réussissent pas, sur la classe moyenne des post-baby-boomers qui connaissent la crise et qui ne bénéficient pas de la révolution technologique. Ce sont des laissés-pour-compte aux États-Unis. Ils existent ailleurs et nous devons nous en occuper.
Quels enseignements tirez-vous de ce scrutin, en prévision de l’élection présidentielle française de 2022 ?
Si on veut gagner il faudra éviter de faire un référendum »pour ou contre ». Face à un président sortant, certains candidats seront tentés de se positionner ainsi. Nous aussi nous devrons aller au-delà de la question »pour ou contre le populisme ». Nous devrons être plus ambitieux que ça. Les seuls présidents de la République qui ont été réélus l’ont été après une cohabitation. L’enjeu de réunir le pays face à des candidats populistes plus clivants, ça va être un enjeu essentiel. Joe Biden n’a pas réussi à porter ce message de rassemblement qui aurait pu inviter les électeurs de Donald Trump à s’en détourner. Au contraire, il a creusé les tranchées. Il ne faudra pas commettre la même erreur.
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