Sociétés islamiques: l’urgence d’une révolution culturelle
Pour les fondateurs du mouvement politique marocain Maan, Hamza Hraoui et Zakaria Garti il faut proposer un autre « califat islamique » reposant sur un bien commun fait d’intelligence, de liberté et de respect mutuel.
Tribune.
Et si la menace djihadiste et l’ère post-printemps arabe étaient l’opportunité d’accoucher enfin d’un nouveau modèle de société du monde arabo-musulman ? Un modèle réaliste, fidèle à l’identité de la région ?
Incontestablement oui. Plus qu’une opportunité, c’est même le devoir de notre génération, qui doit d’urgence combler le vide qu’occupent l’extrémisme religieux et le despotisme politique, pour exister avec une vision, des valeurs partagées, un projet commun, dans lesquels chacun et chacune peut se reconnaître, se projeter et s’investir.
Et de poursuivre : « Je demeure persuadé que le monde arabe aurait pu contribuer à la civilisation contemporaine comme il l’a fait pendant des siècles. En partie par sa faute, en partie par la faute des autres, il n’a pas su emprunter cette voie. Au lieu de devenir un pôle de progrès, il s’est retrouvé en proie à une régression sans précédent. Le printemps arabe a failli être ce sursaut, il ne l’a pas été. »
Notre identité et nos valeurs
Comme le rappelait très justement le penseur sénégalais Bachir Diagne, après la mort d’Averroès, la tradition philosophique islamique a connu une très longue éclipse dans le monde musulman. On assiste à une sorte de pétrification. Il n’est pas sûr que cette éclipse soit finie. D’où le combat en faveur de la philosophie engagé à partir du XIXe siècle et qui se poursuit encore aujourd’hui.
Au début du XXe siècle, le penseur égyptien Mohammed Abdou s’est ainsi battu pour que l’université Al-Azhar du Caire réintroduise l’enseignement de la philosophie. Battons-nous aujourd’hui pour réinventer notre modèle de société en puisant dans ce que notre civilisation a offert au monde.
Ne laissons pas les autres nous dire qui nous sommes : posons sereinement le débat autour de notre identité et de nos valeurs.
Nous proposons pour cela que le Maghreb donne l’exemple et soutienne au plus haut niveau la création d’un conseil, réunissant entrepreneurs, artistes, intellectuels, historiens, étudiants, savants musulmans et oulémas, diaspora… Ces personnalités de la société civile débattront librement, dans une enceinte neutre politiquement, des questions qui traversent la société maghrébine et plus globalement arabe d’aujourd’hui et qui dessinent celle de demain.
Proposer un autre « califat islamique »
Analysons sereinement et sincèrement les causes du délitement de la société arabe et de la civilisation musulmane. Les médias devront jouer pleinement leur rôle d’intermédiaire, pour expliquer et mettre en perspective les enjeux, pour informer et stimuler la pensée libre et les solutions qui sont proposées. Les Etats devront garantir que les analyses que ce conseil aura produites soient prises en considération pour formuler une doctrine émancipatrice et la mettre en œuvre avec tous les moyens utiles.
Tendons la main aux populations des monarchies pétrolières, qui font partie de notre identité et de notre histoire, et construisons avec elles le modèle islamique de demain. La jeunesse française d’origine maghrébine, du 93 ou des quartiers de Saint-Etienne ou de Nice, mérite mieux que d’être assimilée à des terroristes. Construisons avec elle ce nouveau modèle qui lui permettra de redéfinir positivement son identité et sa place dans son pays : la France.
Définissons notre nouveau modèle de société et faisons preuve d’audace et de fermeté pour le rendre viable. Considérons la menace djihadiste comme le tournant de notre civilisation, proposons un autre « califat islamique » reposant sur un bien commun fait d’intelligence, de liberté, de connaissance et de respect mutuel. Et déplaçons pour cela l’influence arabe de Rakka à Alger, de Kaboul à Rabat, du nord-est du Nigeria à Tunis.
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