« Covid, l’Etat s’en remet au Docteur Knock »
Les nouvelles mesures montrent l’incapacité de l’Etat sanitaire à tirer les leçons de ses dysfonctionnements, toujours niés, relève, dans une tribune au « Monde », le professeur d’économie Frédéric Bizard.
Tribune.
Le Docteur Parpalaid, qui se moquait du Docteur Knock au début du chef-d’œuvre de Jules Romains, est admiratif. Knock a réussi à prendre le contrôle de tout le canton, ceux qui ne sont pas au lit travaillent pour lui. Le couvre-feu, entré en vigueur le 17 octobre, a mis au lit 20 millions de citoyens dès 21 heures pour les protéger de tout risque nocturne. Que d’ingratitude envers un Etat si protecteur ! Ce coup de force visait à réduire durablement les contaminations de Covid en France. L’objectif est court-termiste (et indispensable à atteindre), éviter la saturation des services de réanimation. Pour vaincre l’épidémie, comme en mai 1940, lorsque l’Etat demandait aux citoyens d’allumer des cierges pour repousser les Allemands, l’Etat, en 2020, semble s’en remettre à Dieu.
Si le confinement collectif du printemps était déjà le résultat de « défauts manifestes d’anticipation, de préparation et de gestion » de l’Etat sanitaire français, comme le révèle le rapport d’étape de la mission d’évaluation de la crise liée au Covid-19, le couvre-feu était une démonstration pour l’Etat sanitaire de son incapacité de réaliser la moindre autocritique et de tirer les leçons de ses dysfonctionnements, toujours déniés. Lorsque L’Etat sanitaire nous explique que, si c’était à refaire, il aurait eu exactement le même discours en mars sur l’inutilité des masques, tout est dit.
Un Etat sanitaire refermé sur lui-même
Depuis plus de vingt ans, chaque réforme en santé s’est traduite par une recherche de centralisation accrue de la décision. Pendant la première vague de Covid-19, le rôle des préfets et des agences régionales de santé s’est limité à appliquer et à tenter d’expliquer les décisions d’un Etat sanitaire renfermé sur lui-même. Par exemple, il faudra trois semaines à la mi-mars pour que l’Etat réponde à la demande des présidents des Conseils départementaux de mise à disposition des laboratoires d’analyse départementale (LDA) pour réaliser des tests. Rien n’a changé depuis mars.
Si l’affaire des masques a été au cœur des polémiques, c’est bien celle des tests qui exprime le mieux l’impotence étatique en santé. D’abord enfermé dans une politique restrictive, l’Etat sanitaire est ensuite passé à une politique du chiffre, 700 000 puis un million de tests par semaine. Le tout-quantitatif a condamné à l’échec la politique de tests, et donc toute possibilité de localiser l’ennemi. On mène la guerre sanitaire à l’aveugle. Face à l’échec, il ne reste plus que les mesures non sanitaires les plus dommageables économiquement et socialement pour endiguer les contaminations.
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