Quelle régulation de l’intelligence artificielle
L’informaticien et philosophe Jean-Gabriel Ganascia estime que les Etats doivent se saisir de ces questions et prendre leurs responsabilités, afin de ne pas s’en remettre uniquement aux acteurs privés.(Interview dans le monde)
Elon Musk a présenté, le 28 août, les recherches de sa société Neuralink visant, avec le recours de l’intelligence artificielle, à soigner des pathologies et augmenter les capacités cérébrales. Comment analysez-vous ces annonces ?
Les déclarations d’Elon Musk sont problématiques. Sa société travaille sur les implants cérébraux et sur les interfaces cerveaux-ordinateurs. Nous savons que quand une personne a une activité cérébrale, ses neurones émettent des signaux électriques. Les recherches dans le domaine des interfaces visent à analyser ces signaux grâce à des techniques d’apprentissage machine, afin de les transformer par exemple en commande d’un objet, d’une prothèse, etc. On parle ici d’un signal qui part de l’homme vers une machine.
Elon Musk, lui, laisse entendre qu’il pourrait aussi avoir un signal retour, de la machine vers l’homme donc. Nous pourrions, à terme, tous être connectés au réseau par nos cerveaux et bénéficier d’informations mises en commun. En étant tous liés par un « lacet neuronal » nous deviendrions d’une certaine manière transparents les uns aux autres. Il y a, derrière cette idée, la théorie selon laquelle l’intelligence artificielle va nous dépasser et qu’il faut, pour rivaliser, augmenter notre mémoire.
D’où vient cette notion de mémoire augmentée ?
En partie des auteurs de science-fiction, comme l’Ecossais Iain Banks (1954-2013), qui, dans la seconde moitié du XXe siècle, utilise le terme de « lacet neuronal » repris par Elon Musk dans sa présentation. Mais on trouve des liens encore plus anciens. Le physicien Vannevar Bush (1890-1974), conseiller scientifique du président Roosevelt, a écrit en 1945 – avant le premier ordinateur électronique – un texte visionnaire, As We May Think (« comme nous pourrions penser »), où il imagine le Memex (Memory Extender), un extenseur de mémoire pour gérer le savoir technologique en constante augmentation.
Il imagine, dessin à l’appui, un verre dépoli, l’équivalent d’un écran, sur lequel pourrait être projeté de l’information. Dans la conclusion du texte, il évoque les ondes électriques cérébrales et s’interroge : « Peut-être qu’un jour, on saura quelle est leur nature et on pourra passer, sans intermédiaire, directement de l’électricité extérieure, remplie d’information, à l’électricité intérieure. » On peut voir une certaine continuité entre sa vision et celle d’Elon Musk.
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