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Attentat de Conflans : le danger de visions trop caricaturales

Attentat de Conflans : le danger de visions trop caricaturales

Entre droite et extrême droite, qui voient dans l’islam le terreau de l’islamisme, et gauche qui le considère comme la religion des opprimés, le sociologue François Dubet pointe, dans une tribune au « Monde », le danger de rhétoriques duales trop caricaturales.

Tribune.

 

Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, le piège se referme sur nos débats et nous enfoncera plus encore dans une crise politique et morale. A la suite de l’émotion provoquée par un meurtre atroce, les leaders politiques, les intellectuels et les opinions se déchirent et mobilisent des interprétations toutes faites, réduisant les individus au rôle de pantins dans un scénario connu déjà d’avance et sans issue.

D’un côté, celui de la droite et de l’extrême droite, mais pas seulement, où l’ennemi est tout désigné : l’islam est le terreau, on dit désormais « l’écosystème », de l’islamisme. Dès lors, le soupçon porte sur tous les musulmans, et peu importent la foi personnelle et les déclarations républicaines de nombreux responsables musulmans. Il faut passer à l’offensive. On dénonce le « laxisme » et la « lâcheté » des institutions. Le vocabulaire militaire s’impose puisque, si tous les musulmans ne sont pas terroristes, tous peuvent être soupçonnés d’en être les complices. Il suffirait alors d’un fou pour que cette complaisance cachée engendre le crime. Au fond, les musulmans auraient provoqué ce qui leur arrive.

Chantres d’une laïcité dure

Par un étrange renversement de l’histoire politique de notre pays, les droites et l’extrême droite se font les chantres d’une laïcité dure, bien plus dure qu’elle le fut, dans laquelle le fait de se sentir blessé par un dessin blasphématoire ou de porter un foulard serait un signe de défiance envers la République et un quasi-appel au meurtre. Il va de soi que cette rhétorique et les pratiques qui vont avec renforceront nécessairement le séparatisme qu’elles dénoncent. Ici, tout le mal est dans la religion elle-même.

De l’autre côté, celui de l’extrême gauche, d’une partie de la gauche, mais pas seulement, dans lequel la religion disparaît derrière le social. Puisqu’il est incontestable que les musulmans de France sont plus pauvres, et surtout plus discriminés que les autres citoyens, l’islam est la religion des opprimés et toute critique de l’islam devient une manifestation d’islamophobie, une manifestation de la lutte des classes et une répétition de l’histoire coloniale. Le camp naguère laïque, anticlérical et athée, défend la religion des humiliés, quitte à passer sous silence ses dimensions antidémocratiques, notamment à l’égard des femmes, quitte à ignorer les croyances elles-mêmes en les réduisant à un problème social. La religion reste l’opium du peuple opprimé, mais on devrait défendre cet opium parce qu’il est celui du peuple.

 

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