Inquiétude pour l’avenir économique des États-Unis

Inquiétude pour l’avenir économique des États-Unis

 

 

Dans une interview des échos, Joachim Fels, conseiller économique Monde de Pimco (gros fonds de gestion obligataire)   est assez pessimiste, y compris pour les prochaines années.

Donald Trump est à son tour touché par la Covid-19, quel est l’impact pour l’élection présidentielle américaine ?

Dans les sondages, cela n’a quasiment rien changé. Il faut dire que le taux d’indécis est très faible, plus que lors des dernières élections. Les Américains ont fait leur choix et s’y tiennent. Pour la campagne, cela focalise le débat sur la pandémie et l’échec de l’administration Trump à l’avoir endiguée. C’est ce qui explique la très légère inclination envers Joe Biden ces derniers jours.

Et s’il était trop malade pour être candidat à l’élection présidentielle ?

Il serait alors remplacé par le vice-président, Mike Pence. Ce dernier est un peu mieux placé dans les sondages que Donald Trump, car certains républicains désapprouvent le président actuel et considèrent que son second est un choix plus acceptable. Mais, dans les deux cas, c’est Joe Biden qui est favori.

Avec le vote par correspondance, le risque électoral est élevé, quels sont les différents scénarios ?

Si les deux candidats arrivent au coude-à-coude, des procédures légales seront mises en œuvre pour identifier le gagnant de l’élection. Il faut alors s’attendre à des manifestations et à une certaine volatilité sur les marchés jusqu’au 20 janvier 2021, jour de l’investiture. Si les procédures échouent à déterminer le prochain président, ce qui est peu probable, alors ce sera au Congrès d’élire le président. Attention, pour la Chambre des représentants, il y aura un vote par Etat. Or la majorité des Etats sont républicains. Quant au vice-président, il est élu par le Sénat. On pourrait alors se retrouver avec Donald Trump, président, et Kamala Harris, vice-présidente, bien que cela soit peu probable.

Quelle est la probabilité d’une nouvelle relance fiscale avant la fin de l’année ?

Elle est très faible. Les républicains sont actuellement concentrés sur la nomination à la Cour suprême. Il est toutefois possible, avec une probabilité inférieure à 50%, qu’une relance soit décidée avant le 20 janvier.

Quelles sont les grandes orientations que prendra l’économie en cas de victoire de Joe Biden ?

Cela dépend du résultat des législatives [qui ont lieu le même jour que l’élection présidentielle, le 3 novembre]. En cas de majorité démocrate au Congrès, Joe Biden aura tout le levier pour lancer des grands programmes d’infrastructure écologique, baisser les impôts sur les revenus des classes moyennes et pauvres, les augmenter sur les plus aisés et accroître la régulation. En revanche, si le Congrès ressort bicolore, toutes les mesures de relance seront bloquées, et il faut s’attendre à un nouveau plongeon (double dip) de l’économie américaine. Les marchés d’actions seront pénalisés.

Et en cas de victoire de Donald Trump ?

Les marchés devraient apprécier dans un premier temps. Le président américain reste partisan des baisses d’impôts et de la dérégulation. Mais, dans un second temps, le ton risque de monter avec la Chine, qu’il accuse d’être à la source de la pandémie. Et cette agressivité ne plaira pas aux marchés.

Quelles sont vos prévisions économiques pour les prochains mois ?

La reprise devrait se poursuivre à un rythme plus lent que cet été. Un double dip – sans doute moins sévère que le premier car on sait désormais quelles populations protéger, et comment protéger les salariés – n’est pas à exclure, compte tenu de la deuxième vague de pandémie et les mesures de confinement qui sont mises en place à des niveaux locaux et régionaux. Même si ces mesures sont moins drastiques qu’au printemps dernier, les gens seront réticents à consommer ou à voyager. Bien entendu, les pays seront affectés de façon différente, selon la gravité de l’état sanitaire et des mesures mises en place, comme lors de la première vague. L’Asie, et en particulier la Chine, semble bien plus efficace dans sa capacité à endiguer le virus.

Pensez-vous que le dollar continue de s’affaiblir, sa suprématie est-elle remise en question ?

Si la reprise se poursuit, le billet vert devrait continuer de reculer. Mais en cas de double dip, il se ressaisira immédiatement, comme dans les premiers temps de la pandémie. Cela prouve que, malgré tout, son rôle de safe heaven, ou investissement sûr, reste entier et qu’il n’a finalement rien perdu de son leadership. Aucune devise n’est très attrayante aujourd’hui, mais le dollar est sans doute la moins mauvaise.

Les dettes publiques s’envolent une fois de plus, quelles peuvent être les conséquences ?

Les Etats continuent de s’endetter, mais à un taux extrêmement faible, plus faible que lorsque les dettes étaient bien moins lourdes. Le service de la dette ne pose donc aucun problème, les banques centrales continuent d’acheter des obligations d’Etat et la demande mondiale reste forte pour les actifs sans risque ; il n’y a donc rien à craindre à court terme. Enfin, le secteur privé – foyers et entreprises – a tendance à épargner plus qu’à investir, ce qui permet aussi de financer les Etats. Les dettes publiques peuvent poser un problème lorsque les taux remonteront, mais ce n’est pas près d’arriver. En revanche, l’endettement du secteur privé est bien plus problématique et pourrait mener à des défauts d’entreprises.

Craignez-vous que certains secteurs comme l’aérien ne se remettent jamais tout à fait de la crise ?

Non, une fois qu’il y aura un vaccin, et qu’il sera disponible à grande échelle, alors le trafic reprendra peu à peu, probablement d’ici deux ans.

La crise a encore creusé les inégalités, déjà accentuées depuis 2008, quelles en sont les conséquences ?

Le problème est surtout la montée du populisme, qui peut avoir des effets disruptifs sur la croissance, qu’il s’agisse d’amener des gouvernements d’extrême droite, très protectionnistes, au pouvoir et d’extrême gauche, avec les impôts sur les plus aisés.

Quelles sont aujourd’hui les grandes orientations de Pimco sur les actions ?

Il faut accepter la triste réalité d’être dans un monde de faible retour sur investissement et se préparer à davantage de volatilité, compte tenu des disruptions à venir en économie et en politique. Nous considérons que les actions sont très fortement valorisées. Pour les actions, nous craignons que la hausse de la part des profits dans le PIB depuis plus de trente ans se termine, voire se retourne. Les perspectives de profits des entreprises ne sont pas très encourageantes ; nous observons dans de nombreux pays une hausse des taxes sur le capital, et les gouvernements vont renforcer le travail au détriment du capital.

Et pour les obligations ?

Les rendements obligataires sont très faibles mais pourraient l’être plus encore, il est donc sensé d’avoir une exposition aux obligations d’Etat. Il faut penser aux opportunités globales, tant sur les marchés émergents que sur le marché obligataire. Aujourd’hui, acheter des indices n’est pas une bonne idée, surtout au niveau des obligations d’entreprises, où il faut s’attendre à des défauts.

Quelles empreintes structurelles laissera la crise ?

D’une part, la montée des inégalités conduira aux disruptions politiques et économiques, avec l’avènement de partis extrémistes. Le protectionnisme croissant va conduire à la déglobalisation. La digitalisation conduira à une économie moins intensive en capital, avec une baisse des dépenses d’investissement. Cela entraînera une surabondance d’épargne qui maintiendra les taux d’intérêt à de très faibles niveaux.

 

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