Brexit : Boris Johnson mise sur le No Deal
Sans accord sur le Brexit, le Royaume-Uni deviendrait un sérieux concurrent économique aux portes mêmes de l’Union européenne, constate l’économiste Stéphane Madaule dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Dès que la décision de divorcer entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est devenue effective au 31 janvier, la chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré qu’il fallait que les pays européens se préparent à vivre avec un concurrent de taille aux portes de l’UE.
Le mandat de négociation des Vingt-Sept a été bâti pour tenter de prévenir cette éventualité. L’UE a proposé un libre accès de son marché à Londres, contre l’acceptation de continuer d’appliquer les règles que s’impose l’UE sur le marché britannique. Or les Anglais n’ont pas mordu à l’hameçon. Boris Johnson ne veut pas continuer de se soumettre aux règles bruxelloises alors qu’il vient de reprendre son indépendance. Plus grave, il pense qu’il a davantage à gagner à un « no deal », dont les conséquences éventuelles seront masquées par la crise du Covid-19, plutôt qu’à un accord avec l’UE sur la base d’un libre-échange sous contraintes réglementaires européennes.
Reste que les Britanniques essaient d’obtenir plus qu’un « no deal ». Ils ont proposé le libre-échange intégral. Un choix impossible pour l’UE, qui défend un modèle de production de biens et services où des normes environnementales et sociales exigeantes s’appliquent sur son marché intérieur.
Mais pourquoi les Britanniques ne veulent plus appliquer les règles du marché intérieur ? Parce qu’ils y voient une entorse à leur souveraineté retrouvée. Parce qu’ils pensent que se soustraire à ces règles leur apportera un surcroît de compétitivité face à l’UE. Cet argument est risqué, car le « no deal » ne sera pas forcément payant commercialement et l’opinion publique britannique peut se cabrer contre une politique de dérégulation sociale et environnementale drastique et dangereuse pour la planète, et ce pour un zeste de compétitivité.
Pour l’UE, la négociation demeure difficile, car elle fait face à un exécutif britannique qui se dit prêt au « no deal ». Elle doit aussi tenir compte des pêcheurs des pays européens désireux de continuer à pêcher dans les eaux territoriales britanniques. Elle ne peut pas non plus se fâcher avec son voisin britannique ou, pire, risquer la désunion. Ceci place le négociateur européen, Michel Barnier, en équilibre instable : un « no deal » n’est pas satisfaisant pour l’UE, pas plus qu’un libre-échange intégral sans contraintes réglementaires pour les Britanniques. Plus le « no deal » se rapproche, plus la perspective d’un concurrent aux portes de l’UE se précise.
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