Economie Faillites : 100 000 sociétés d’ici à la fin de l’année
L’économiste Nadine Levratto anticipe, dans une tribune au « Monde », une envolée des défaillances de petites entreprises qui, tenues à bout de bras par les aides publiques, sont au bord du précipice, et ce sans bénéficier des capacités d’adaptation des grandes entreprises.
Tribune. Au premier semestre 2020, alors que la France et le reste du monde sont plongés dans la plus grande crise sanitaire et économique depuis un siècle, le niveau des faillites d’entreprises n’a jamais été aussi faible. Selon le cabinet Altares Dun & Bradstreet, à la fin du mois de juin, on dénombrait 5 766 ouvertures de procédures collectives (– 53 % par rapport à l’an dernier à la même époque), parmi lesquelles 4 300 liquidations judiciaires directes, un chiffre correspondant… au boom des années 2000. Ces résultats globaux semblent, de prime abord, indiquer une bonne résistance des entreprises françaises à la crise.
Mais ils cachent d’importantes disparités. Les plus commentées aujourd’hui dans les médias concernent, bien sûr, les grandes entreprises, qui annoncent de nombreuses destructions d’emplois. André, La Halle, Camaïeu, etc. sont emblématiques de ces enseignes du commerce qui, bien installées dans le paysage, sont en état de cessation de paiements.
Cependant, comme tous les ans, la très grande majorité des procédures collectives, mais aussi des fermetures simples, concernent les entreprises de moins de cinq salariés. Et les perspectives pour le second semestre de 2020 pourraient bien creuser encore cet écart.
Près de 100 000 sociétés pourraient disparaître d’ici à la fin de l’année, entraînant dans leur sillage la disparition de 250 000 emplois, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques. Les entreprises de toutes tailles, de tous les secteurs et de toutes les régions seraient touchées par l’accumulation de pertes de chiffre d’affaires observées dès le mois de janvier. La constitution de réserves comptables et le maintien d’une trésorerie viable, favorisés par les dispositifs d’urgence mis en place par l’Etat (chômage partiel, prêts garantis par l’Etat, fonds de solidarité pour les très petites entreprises, augmentation du délai de constatation du défaut de paiement, etc.), ont permis de passer les premiers mois de la crise. Les mesures de soutien à l’activité économiques prévues dans le plan de relance pourraient également conforter la situation de certaines entreprises. Mais malgré cette intervention publique importante, le tissu productif risque néanmoins de sortir radicalement transformé de cette crise.
Les petites entreprises familiales et les microentreprises seront les premières à faire les frais de la recomposition de l’activité. D’une part, en raison de la baisse de la consommation : l’augmentation sensible du taux de chômage ne peut qu’exercer un impact négatif croissant sur les petites structures des secteurs du commerce de détail, de l’action sociale, de la culture et des loisirs, déjà atteintes par le confinement. Et la hausse massive de l’épargne va encore accentuer ce mouvement. D’autre part, en raison de la diminution de l’activité des entreprises, notamment dans l’industrie, l’ensemble des activités de services aux entreprises (ingénierie, analyses techniques, recherche et développement scientifique, etc.), dominées par des PME, prévoient une baisse de leur activité au cours des prochains mois. Il en est de même des sous-traitants industriels – souvent des PME –, qui risquent de pâtir de la baisse des commandes des grands groupes. En effet, même en cas de reprise, les donneurs d’ordre et les clients pourraient préférer s’adresser à des fournisseurs dont le pronostic de survie n’est pas engagé par la crise.
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