Veolia-Suez : » menace sur le service public de l’eau » (Yann Galut)
Yann Galut, le maire socialiste de Bourges, alerte sur les dangers du rachat d’Engie, la filiale de Suez, par Veolia. « Le service public de l’eau doit rester un bien commun », prévient-il dans le JDD.
« Depuis quelques jours se livre une bataille féroce entre deux grandes sociétés qui, bien que parfois méconnues du grand public, sont omniprésentes dans la vie des Français : Veolia et Suez. Au sortir de l’été, Veolia a annoncé son intention de racheter les participations détenues par le groupe Engie dans la société Suez, avec pour objectif d’en prendre le contrôle et de revendre les activités liées à la gestion de l’eau en France à un fonds d’investissement. Ce qui se joue dans les hautes sphères économiques, c’est le contrôle des marchés de notre assainissement, de nos déchets, mais surtout de notre eau potable, en France et bien au-delà.
Le service public de l’eau doit rester un bien commun. Les élus ont le devoir moral de garantir à tous un accès à ces services. À Bourges [Cher], nous avons historiquement fait le choix de gérer ce service public en régie, sans faire appel à ces entreprises spécialisées. Je suis donc à la fois neutre dans le débat et bien placé pour mesurer la complexité technique de ce métier. Je mesure chaque jour combien ces missions sont importantes et stratégiques pour assurer un cadre de vie agréable à nos concitoyens.
Que se passerait-il si cette mégafusion soutenue par un fonds d’investissement se réalisait? L’objet même d’un fonds d’investissement est de rendre à ses actionnaires le plus gros bénéfice possible. D’ailleurs, Veolia a le mérite de l’honnêteté en annonçant un objectif de « 500 millions d’euros de synergies au sein de l’entité nouvelle Veolia-Suez ». En bon français, vous l’aurez compris, cela veut dire suppression d’emplois. Les syndicats concernés estiment que cette politique pourrait en coûter 4 000 sur nos territoires.
Au-delà de l’emploi, le second enjeu réside dans le maintien d’une concurrence nécessaire sur un marché qui ne peut pas souffrir d’une situation monopolistique de fait. Dans le cadre de la passation des marchés publics, la mise en concurrence des acteurs est un outil indispensable pour les collectivités, permettant de rechercher le meilleur service au coût le plus approprié. Si demain les maires sont mis en situation de choisir entre Veolia et Veolia, la conséquence sera immédiate : ils seront privés de toute capacité de négociation et, à terme, l’acteur dominant imposera ses prix et conditions.
Personne, ni au gouvernement, ni dans ces entreprises, ne semble savoir répondre à une question simple : est-ce bon pour toutes et tous? Je vous le dis, ce projet ne sera bon ni pour les collectivités, ni pour les usagers du service public de l’eau, ni pour le pays qui verrait ainsi deux acteurs majeurs se muer en un mastodonte indomptable. Il est plus qu’urgent d’ouvrir un débat impliquant les acteurs centraux que sont les collectivités locales. Il en va du service public de l’eau. Et d’un choix stratégique, presque philosophique : savoir si l’eau, source de la vie, peut être régie comme n’importe quel autre bien. »
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