Alzheimer: un espoir ?

Alzheimer: un espoir ?  

 

Bruno Dubois, professeur de neurologie, chef du service à la Pitié-Salpêtrière dit son espoir dans un nouveau médicament. (Interview JDD)

 

Le nouveau médicament du laboratoire Biogen, actuellement examiné par les autorités sanitaires américaines, peut-il constituer une lueur d’espoir?
L’espoir le plus lumineux, ce sont les énormes progrès conceptuels réalisés ces dernières années. On n’est plus dans la contemplation de la maladie ; on tient peut-être le chemin de la solution. Tout cela irrigue la recherche pharmaceutique. Par le passé, certaines molécules étaient parvenues à faire diminuer les plaques amyloïdes dans le cerveau des malades, c’est-à-dire une des deux lésions caractéristiques d’Alzheimer, mais ça restait sans effet sur les symptômes. Ce sont les échecs thérapeutiques dont on a beaucoup parlé depuis dix ans. L’aducanumab, lui, semble réduire le déclin cognitif chez une partie des patients dans la phase initiale de la maladie. Un effet positif sur l’autonomie et les performances cognitives, c’est une première et quelle promesse! On tient peut-être un fil de la pelote. Mais prudence : les résultats des essais cliniques n’ont pas encore été publiés. Si l’efficacité était confirmée l’an prochain, 2021 serait la deuxième date la plus importante depuis la description de la maladie par Aloïs Alzheimer en 1906.

 

Quels autres traitements en développement vous semblent-ils prometteurs?
La molécule BAN2401, un anticorps qui vise lui aussi à éliminer les plaques amyloïdes, donne des résultats encourageants. La phase 3 de l’essai clinique a démarré. D’autres médicaments ciblant la protéine Tau sont en cours de développement.

Votre centre est très impliqué dans les essais cliniques. Est-il facile de recruter des patients?
Non, c’est difficile car les essais sont contraignants. Ils nécessitent des rendez-vous mensuels, avec ponction lombaire et bilans sanguins. Les patients les plus jeunes soignés dans le service, ceux âgés d’environ 65 ans, sont souvent les plus impliqués.

Puisqu’il semble si difficile de guérir Alzheimer, pourra-t-on un jour la prévenir?
Traiter les gens déjà malades, c’est peut-être trop tard. Impossible de remonter le temps ; on peut seulement espérer bloquer le processus ou en ralentir l’aggravation. Notre objectif est de poser un diagnostic le plus tôt possible, avant la perte d’autonomie, voire avant les symptômes. Pour cela, nous allons nous appuyer sur d’énormes progrès dans l’identification de marqueurs biologiques associés à la présence de lésions. Certains de ces marqueurs étant présents quinze ans avant la survenue des symptômes, on sera capables un jour d’identifier les sujets sains à risque et d’empêcher l’arrivée de la maladie. Je défends l’idée d’une clinique du risque qui va nous permettre de passer d’une vision un peu fataliste, centrée sur l’accompagnement des malades, à une approche d’amont, plus globale et dynamique. Bien sûr, il faudra évidemment expliquer aux personnes ainsi dépistées qu’elles ne sont pas malades, mais à risque. Cela relève encore de la médecine fiction mais, si les médicaments tiennent leur promesse, on peut imaginer que certains puissent être donnés en prévention.

 

Mais comment pourrait-on repérer les personnes à risque?
Il n’est pas question de dépister tout le monde à coup de PET-scan ou de ponction lombaire. Pour apprendre à mieux évaluer le risque, nous suivons, à l’Institut de la mémoire et depuis 2013, une cohorte de 318 personnes âgées, sans troubles cognitifs au départ, dans le cadre d’une grande étude baptisée Insight et financée notamment par l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et la Fondation pour la recherche sur Alzheimer (FRA). Au bout de cinq ans, parmi les 88 personnes qui avaient au départ les lésions cérébrales de la maladie, 15 seulement ont développé des symptômes. Ce qui semble valider l’hypothèse que nous avions formulée en 2007 : la présence de lésions ne suffit pas à annoncer la survenue de la maladie ; seule la présence des symptômes associés à ces lésions définit l’affection. Mais la controverse scientifique n’est pas éteinte : mes collègues d’Harvard ou de la Mayo Clinic aux États-Unis sont persuadés du contraire ! Pour nous, et les données actuelles de la littérature scientifique le suggèrent, d’autres facteurs doivent être associés aux lésions pour que la maladie survienne. Une fois achevés, tous ces travaux nous permettront d’élaborer un algorithme prédictif pour repérer, dans la population des personnes âgées, le petit nombre chez qui les lésions sont présentes et évoluent. Notre équipe a identifié une corrélation entre un marqueur sanguin et les lésions amyloïdes du cerveau. Ça reste fragile, et on n’en est pas encore à diagnostiquer Alzheimer grâce à une prise de sang.

 

Le dépistage, c’est pour demain ou après-demain, mais que faire dès aujourd’hui?
On a l’idée de créer des centres de prévention de la démence et je vais d’ailleurs en parler mardi, lors d’une conférence à l’Académie de médecine. Je les imagine comme des structures de repérage des facteurs de risque dont certains sont modifiables par des interventions ciblées. En complément, nous développons, avec l’agence régionale de santé d’Île-de-France, une application de repérage de troubles cognitifs accessible sur smartphone. Ce projet baptisé Santé-Cerveau va permettre aux gens de s’évaluer au moyen de questionnaires et de tests validés. Ça leur donnera des indications sur leur fonctionnement cognitif. Au besoin, ils seront mis en contact avec le centre mémoire le plus proche de chez eux. En mobilisant la population, on peut espérer retarder un peu l’entrée dans la maladie.

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