Les contradictions du « en même temps »
Maxime Sbaihi, Maxime Sbaihi est directeur général du think tank GénérationLibre, prend l’exemple de l’écologie et de la décentralisation pour démontrer les contradictions du en même temps dans l’opinion.
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Le « en même » temps présidentiel suscite certaines moqueries mais est une touche de nuance bienvenue dans un pays trop habitué à penser noir ou blanc alors que la réalité est d’une grise complexité. Encore faut-il que la parole et les actes soient cohérents. Sur l’écologie et la décentralisation, la communication et l’action du gouvernement divergent au point de se fourvoyer dans d’aberrantes contradictions. Cela nuit à la compréhension et surtout à l’efficacité de l’action publique.
Prenons l’écologie. Le gouvernement proclame partout qu’il prend très au sérieux le défi du réchauffement climatique mais s’obstine par ailleurs à fermer des centrales nucléaires. Ce choix, ou plutôt ce non-choix puisqu’il perpétue une décision très politique et peu scientifique du précédent quinquennat, prive notre pays de la source d’énergie la moins émettrice de carbone, en plus de mettre à mal son indépendance énergétique.
Dans le dos des discours verdoyants, l’exécutif a également décidé d’inclure des véhicules à moteur thermique dans les nouvelles primes à la conversion mises en place dans le plan d’urgence pour aider le secteur automobile. De l’autre côté du Rhin, le gouvernement a esquivé l’incohérence écologique en décidant, envers et contre le puissant lobby automobile, de cibler ces mêmes aides uniquement sur les véhicules électriques. Vouloir réduire nos émissions de carbone et, en même temps, tourner le dos au nucléaire et subventionner l’achat de véhicules polluants ? Un grand écart avec claquage assuré.
Mendicité. Autre exemple : la décentralisation, sur toutes les lèvres mais nulle part ailleurs. « Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris », déclarait solennellement le président de la République dans son allocution du 14 juin. Le terrain assiste pourtant à une recentralisation rampante. La suppression, partielle, du boulet économique que sont les impôts de production est salutaire mais prive les collectivités locales d’un des rares leviers budgétaires qui leur reste. La promesse faite par le Premier ministre de compenser les recettes en dotations va réduire d’autant plus la peau de chagrin qu’est leur autonomie fiscale. Le rapport malsain de mendicité permanente entre les collectivités et Paris sera renforcé.
Le virus semble aussi être une bonne excuse pour que la capitale court-circuite les pouvoirs locaux. A Marseille, Toulouse ou encore Strasbourg, le port du masque obligatoire a été décrété unilatéralement par les préfets. Les représentants de l’Etat central ont imposé une restriction ciblée sans se concerter avec les représentants locaux du peuple. Ces derniers s’en sont bruyamment émus, tous bords confondus. Proclamer que le pouvoir doit être mieux réparti sur le territoire et, en même temps, snober les élus locaux et rapatrier davantage de fiscalité à Paris ? La décentralisation peut se retourner dans sa tombe.
Le « en même temps » tourne ici en rond et finit par se mordre la queue. L’écologie et la décentralisation sont des enjeux d’avenir trop importants pour être piégés dans une telle contradiction débouchant sur des décisions erratiques. C’est dans cet écart entre les paroles et les actes que s’engouffrent les populismes et que se cultive la méfiance croissante de nos concitoyens, et de nos élus locaux, envers Paris. En même temps, face à une telle incohérence, comment leur en vouloir ?
Maxime Sbaihi est directeur général du think tank GénérationLibre.
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