Epargne : une envolée qui traduit l’inquiétude
L’épargne depuis le début de la crise sanitaire a connu une envolée tout à fait exceptionnelle, elle a augmenté de 12 points pour s’établir à 27,4% au deuxième trimestre, selon les chiffres de l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) vendredi. D’ici la fin de l’année, les Français devraient avoir mis de côté pas loin de 100 milliards d’euros, « l’épargne Covid » s’élevant déjà à 80 milliards à fin juillet, selon la Banque de France. Il y a évidemment plusieurs explications à cette progression.
Pendant la crise la production et la commercialisation ont été fortement handicapées et les Français se sont limités aux achats les plus indispensables. La baisse de la consommation a donc des dimensions conjoncturelles. Mais elle comporte aussi des aspects structurels avec une certaine évolution des modes de consommation moins dépensiers. Enfin et peut-être surtout, si les Français qui le peuvent, épargnent davantage, c’est en raison d’une crainte fort légitime d’une dégradation importante de l’économie et de l’emploi. De ce point de vue, avec une baisse de 10 % en 2020, c’est mécaniquement 1 million de chômeurs environ qui viendront s’ajouter aux autres avec des conséquences pour l’ensemble du pouvoir d’achat en France.
Le plan de relance de 100 milliards d’euros « devra remettre dans le circuit cette épargne excessive en rassurant sur l’emploi », note Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.
« Comment on mobilise cette épargne pour soutenir l’économie? C’est la grande question. Le plan de relance est censé faire repartir la machine mais il ne comporte pas de mesure ciblée sur l’épargne comme en Allemagne », qui a décidé de baisser la TVA pendant six mois, relève Mathieu Plane. « Le gouvernement préfère donner un message de confiance, inciter les Français à dépenser, mais est-ce que cela sera suffisant? Le risque est de mourir riche », ironise l’économiste.
Après avoir bondi à la sortie du confinement (+35,5% en mai et +10,3% en juin), les achats se sont stabilisés en juillet (+0,5%), avec une prime pour la consommation de carburants, en forte hausse, au détriment des dépenses en habillement-textile qui progressent plus faiblement.
La consommation des ménages retrouve ainsi « quasiment » son niveau de novembre 2019, selon l’Insee, mais « on n’a pas eu de véritable rattrapage, au sens où on continue d’accumuler des pertes », selon Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et Prévision de l’OFCE. Dès lors, « on ne peut pas parler de reprise, mais d’un simple rebond » de l’activité.
Surtout, cette baisse de la consommation a fait chuter le produit intérieur brut de 13,8% au deuxième trimestre 2020, selon l’Insee. Cet effondrement est inédit depuis 1949, date à laquelle il a commencé à mesurer l’activité économique française de façon trimestrielle. Même après la chute de Lehman Brothers en 2008-2009 ou la grève générale de mai 1968, la chute n’avait pas été aussi brutale.
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