Faire du cas par cas pour le soutien à l’emploi (OCDE)
Pour l’économiste, les gouvernements des économies avancées comme la France doivent relancer leurs économies avec la menace du virus toujours présente, et modifier leurs aides publiques pour faire du cas par cas (interview dans l’Opinion)
Laurence Boone est chef économiste de l’OCDE.
Laurence Boone est la chef économiste de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Qu’est-ce qui pourrait limiter l’impact des plans de relance des économies avancées ?
C’est très bien et important de faire ces plans de relance qui sont nécessaires, et doivent être bien ciblés. On va devoir vivre avec la menace du coronavirus tant qu’il n’y aura pas de vaccin ou de traitement efficace, et il faut que les personnes comme les entreprises puissent reprendre une vie aussi normale que possible. Pour cela, je vois deux défis principaux. D’abord, il faut que les personnes consomment et que les entreprises investissent, et donc qu’elles aient confiance dans la capacité collective à gérer la vie avec le virus. Il faut que les citoyens respectent les mesures d’hygiène, de port du masque et de distanciation physique, mais aussi que les gouvernements aient des stratégies de test, traçage et isolement des malades pour contenir les éventuelles remontées du virus, et des confinements plus locaux si nécessaires.
Et le second défi ?
Il est d’arriver à protéger les personnes les plus vulnérables tout en faisant en sorte que celles travaillant dans les secteurs durablement impactés par le virus puissent retrouver un emploi, et que les capitaux des entreprises de ces secteurs soient réalloués à des domaines plus en croissance. C’est un équilibre difficile à trouver : si on protège trop, on risque de maintenir en vie des entreprises qui ne survivraient pas sans les aides publiques, mais si on ne protège pas assez, on risque de mettre beaucoup de personnes dans une situation précaire. Il faudrait en particulier regarder comment adapter les dispositifs de soutien à l’emploi suivant l’impact de la Covid et l’évolution de la reprise dans chaque secteur. Pour aider à la réallocation de l’emploi, il faut mettre des incitations en place et si nécessaire, prendre les gens par la main pour les aider à trouver un nouveau travail, changer de secteur, recevoir des qualifications et des formations dans le numérique ou la transition énergétique par exemple. Ce n’est pas souhaitable de geler des pans entiers de l’économie pendant un à quatre ans, il faut plutôt aider les personnes et les entreprises à se réinventer ailleurs.
Les échanges commerciaux internationaux sont en baisse. Est-ce que ce sera un frein au rebond des économies ?
Les échanges commerciaux ralentissaient déjà structurellement, avant la crise du coronavirus, à cause des tensions commerciales et de facteurs plus structurels. Mais ce qui a été peut-être plus surprenant avec cette crise, c’est que l’on a vu une grande résilience des chaînes de valeur et de production mondialisées. Elles n’ont pas été si perturbées, ce qui est plutôt rassurant. Il y a très peu d’endroits totalement fermés, où l’approvisionnement n’a pas pu se faire ailleurs. Les pénuries de masques ou de médicaments n’étaient pas dues à un problème de chaîne de production, mais au fait que la demande était massivement supérieure à l’offre, l’épidémie heurtant tout le monde à peu près en même temps. Si désormais les confinements sont plus localisés et moins concomitants, on pourra veiller à ne pas bloquer des nœuds cruciaux des chaînes de production. Il faudrait diversifier les sources d’approvisionnement et, pourquoi pas, développer certaines productions essentielles que l’on n’avait pas.
Les plans de relance des différents pays doivent-ils être synchronisés pour être efficaces ?
A l’OCDE, nous avons toujours plaidé pour la coordination, car il y a de tels effets d’entraînement d’un pays sur l’autre, tellement d’intégration, que si la demande ralentit dans un pays, les effets sur les pays avec lequel celui-ci échange sont importants. C’est particulièrement le cas en Europe : par exemple, un ralentissement en Allemagne a un effet sur les exportations françaises et italiennes, et vice-versa. Plus on s’accorde, mieux c’est calibré, et plus l’impact est important. Quand il y a un effort de coordination des pays du G20, comme à Londres durant la crise financière, cela dope la confiance des entreprises et des personnes, et cela contribue à la vigueur de la reprise. Le plan de relance européen est très positif pour cette raison. Au G20, il y a aujourd’hui un très fort appétit pour bénéficier des expériences des autres et que tout le monde accélère sa reprise en même temps. En outre, il y a eu la décision de reporter le service de la dette des pays pauvres, ce qui revient à une aide fiscale. Ce n’est pas la coordination de la crise financière, mais elle est là néanmoins, et c’est important.
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