Mali: promesse d’élections mais dans quel délai ?
Les militaires qui ont prise pouvoir au Mali ont promis un gouvernement et l’organisation d’élections dans un délai raisonnable. Le problème est de savoir ce qu’ils entendent par délai raisonnable cependant, il n’est pas sûr que toutes les forces militaires soient d’accord cette intervention. En effet les principales forces du Mali sont éloignées de Bamako et engagées dans la lutte contre le terrorisme. Plusieurs tendances tiraillent l’armée. Une armée capable d’investir le champ politique en renversant le président mais bien incapable par contre à elle seule de lutter contre les islamistes. Bref un mélange des genres qui ne plaît pas à la communauté internationale et qui a trop souvent affecté la crédibilité politique et démocratique en Afrique.
Le président Ibrahim Boubacar Keita, dit “IBK”, a annoncé tard mardi soir sa démission et la dissolution du parlement, quelques heures après son arrestation par les putschistes, qui fragilise un peu plus un pays déjà confronté à une insurrection djihadiste et ces derniers mois à une vague de contestation.
Dans une intervention retransmise tôt mercredi matin à la télévision publique, un porte-parole des mutins, qui ont formé un “Comité national pour le salut du peuple”, a invité la société civile et les partis politiques à rejoindre le mouvement pour réussir la transition politique censée ouvrir la voie à des élections.
“Nous avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’histoire, d’assurer la continuité de l’Etat et des services publics. Cette lourde responsabilité ne s’accomplira pleinement qu’avec l’ensemble des forces vives de la nation”, a déclaré le colonel Ismaël Wagué.
“Nous ne tenons pas au pouvoir mais nous tenons à la stabilité du pays qui nous permettra de réaliser dans des délais raisonnables consentis des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes capables de gérer au mieux notre quotidien et restaurer la confiance entre le gouvernement et les gouvernés”, a-t-il poursuivi.
L’officier a qualifié les armées des pays voisins et les forces de maintien de la paix de l’Onu comme celle de la France de “partenaires pour la stabilité et le rétablissement de la sécurité”.
La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a demandé mercredi soir la libération “immédiate” d’Ibrahim Boubacar Keita et des membres du gouvernement malien eux aussi détenus.
Réaffirmant privilégier “l’intérêt du peuple malien et la lutte contre le terrorisme”, la France “encourage toutes les forces politiques et sociales au dialogue pour trouver une solution à la crise profonde que traverse le pays et appelle au rétablissement sans délai d’un pouvoir civil”, a-t-il ajouté.
De source militaire à Paris, on explique que “les armées ont soumis à la demande de l’Elysée plusieurs propositions à la ministre des Armées (Florence Parly) et au président Macron en vue d’une possible adaptation” du dispositif de la force Barkhane.
Les Etats du G5 Sahel, qui regroupe Mauritanie, Burkina Faso, Niger, Tchad, et le Mali lui-même – ont eux aussi réclamé la libération d’Ibrahim Boubacar Keita, tout comme l’Union africaine (UA) et les Etats-Unis, entre autres.
L’UA a en outre suspendu le Mali de l’organisation “jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel”. Les Etats de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ont par ailleurs décidé de fermer leurs frontières régionales avec le Mali.
Le Conseil de sécurité de l’Onu, réuni en urgence, a également condamné la mutinerie et réclamé la libération des responsables politiques arrêtés par les mutins en appelant ces derniers à regagner “sans délai” leurs casernes.
Depuis juin dernier, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Bamako pour demander la démission d’Ibrahim Boubacar Keita, réélu en 2018, en lui reprochant ses échecs dans la lutte contre l’insécurité et la corruption. Au moins 14 personnes ont été tuées en juillet lors de manifestations.
La coalition M5-RFP, à l’origine de la contestation, a exprimé son soutien aux militaires. Selon son porte-parole Nouhoum Togo, il ne s’agit pas d’un coup d’État militaire “mais d’une insurrection populaire”.
En fin de journée, un porte-parole de l’imam Mahmoud Dicko, un prédicateur salafiste considéré comme l’un des chefs de file de la contestation, a annoncé que ce dernier avait décidé de se retirer de la vie politique après une rencontre avec des représentants des putschistes.
Si aucune précision n’était disponible dans l’immédiat sur ce retrait, il suggère qu’au moins une partie de l’opposition se satisfait de la promesse des mutins de rétablir la stabilité politique.
En 2012, une mutinerie, partie comme celle de mardi de la base militaire de Kati, avait entraîné l’éviction du président Amadou Toumani Touré, ce qui avait permis aux djihadistes du Nord de s’emparer d’une partie du pays et entraîné l’intervention militaire de la France, dans le cadre de l’opération Serval.
Les djihadistes ont été repoussés, mais la mission française, renommée Barkhane, et les forces du G5 Sahel ne sont pas parvenues à mettre fin à la guérilla.
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