Mettre fin au gaspillage de l’eau

Mettre fin au gaspillage de l’eau

 

Matthieu Baïsset, directeur technique d’imaGeau, une start-up spécialisée dans les données sur les réserves en eau, souligne dans les Échos le caractère exceptionnel de l’enchaînement des années de sécheresse.

Selon l’expert d’imaGeau, une start-up spécialisée dans la compilation – par dizaines de milliers – de données historiques et actuelles sur l’état des réserves en eau, la diminution de cette ressource impose une nouvelle approche aux agriculteurs, aux industriels et aux collectivités locales. Celle d’apprendre à utiliser l’eau « au bon moment et au bon endroit » pour l’économiser. Bref à ne plus raisonner dans une logique d’abondance.

Comment se caractérise la sécheresse actuelle ?

Elle est très différente de celle de 2019. Cette année-là, l’hiver avait été faiblement pluvieux, ce qui avait limité la recharge des nappes phréatiques. Cet été, c’est l’inverse. Les stocks d’eau sont corrects mais juillet a été déficitaire en précipitations. On n’en a pas connu d’aussi peu pluvieux depuis juillet 1959. Les trois-quarts de la partie nord de la France sont dans le rouge. Cela n’arrive qu’une fois tous les cinquante ans. Du coup, il a fallu pomper plus d’eau dans les nappes et les rivières. Dans l’agriculture, les exploitants doivent irriguer davantage cet été pour compenser l’absence d’eau de pluie.

Avec quelles conséquences ? 

Un quart des grands cours d’eau sont à un niveau bas et 140 de nos 1.400 points d’observation affichent des niveaux très bas, là où ont été pris des arrêtés sécheresse et des restrictions d’usage. S’agissant des petits cours d’eau, 16 % étaient à sec fin juillet. C’est moins qu’en 2019 où ce taux était de 25 %. La sécheresse est donc moins forte qu’il y a un an. Ce qui est exceptionnel, en revanche, c’est de la voir se manifester pendant quasiment trois ans d’affilée : 2017, 2019 et 2020. Avant, c’était une fois tous les dix ans.

Comment voyez-vous la situation évoluer ?

C’est difficile à dire. En général, il pleut davantage en août. Mais si ce n’est pas le cas cet été, on peut redouter des ruptures d’approvisionnement dans certaines communes et, s’agissant des milieux naturels, des pertes de continuité écologique dans les cours d’eau. Sur le plan économique, l’impact serait énorme, notamment sur les récoltes agricoles.

La ressource en eau va-t-elle se raréfier avec le réchauffement ?

Selon les évaluations faites en 2012 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, il faut s’attendre en France à une baisse de 10 à 40 % du débit des cours d’eau et à un recul de 10 à 25 %, voir 50 % du niveau des nappes phréatiques. Quant aux précipitations, leur diminution prévisible varie entre -16 % et -23 %. Le réchauffement tend aussi à modifier le régime des pluies. La fréquence des événements extrêmes augmente mais ils ne contribuent pas à recharger les nappes car ils sont trop rapides.

Comment peut-on s’adapter à ces changements ?

Tout l’enjeu aujourd’hui est de disposer d’eau au bon moment et au bon endroit. La France doit sortir d’une gestion de l’abondance de cette ressource. Il y a énormément d’eau dans notre pays, mais il faut l’économiser. L’industrie doit y être encouragée, tout comme l’agriculture. L’irrigation va être de plus en plus connectée aux cultures avec des systèmes qui délivrent de l’eau à la plante quand elle en a besoin. Il va également falloir adapter les types de cultures et développer certaines solutions, comme celle consistant à recharger artificiellement les nappes phréatiques via des retenues d’eau. Il ne s’agit donc pas que d’aménager de nouveaux réservoirs qui ont plusieurs inconvénients. Entre 20 et 60 % de l’eau stockée disparaît par évaporation et le débit des rivières situées en aval est perturbé.

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