L’institution monarchique en cause en Espagne. ……. Et ailleurs
Pour les leaders républicains espagnols, l’exil de l’ancien roi Juan Carlos, annoncé ce lundi 3 août, fragilise certes la monarchie, mais pas tant que le décalage grandissant entre l’institution et le quotidien de la population.
Lucia Nistal, étudiante en thèse de théorie de la littérature à l’Université Autonome de Madrid dirige le mouvement pour le Droit à décider Monarchie ou République, qui a organisé l’an dernier un referendum symbolique dans des dizaines de facultés d’Espagne. Pour cette républicaine, l’exil de l’ancien roi Juan Carlos, annoncé ce lundi 3 août, fragilise certes la monarchie, mais pas tant que le décalage grandissant entre l’institution et le quotidien des Espagnols. ( Interview dans Marianne)
Marianne : En tant que républicaine convaincue, comme avez-vous vécu l’annonce du départ de Juan Carlos d’Espagne ?
Cela a été une bonne nouvelle car tout scandale qui touche la monarchie risque de l’affaiblir sur le long terme. Mais nous ne sommes pas dupes et nous voyons bien que les institutions font tout pour transmettre le flambeau à Philippe VI. Il y a une grande opération cosmétique pour laver l’image de la Couronne. Cela consiste à séparer la Maison Royale de la figure de Juan Carlos, alors que cela a été la même entité durant plus de 40 ans. Les scandales financiers, le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale des 100 millions d’euros placés sur un compte secret en Suisse ne sont pas l’oeuvre que d’une seule personne, c’est toute l’institution qui est derrière cette échafaudage financier et évidemment Philipe VI n’est pas resté en marge.
Lucia Nistal : Durant des années les Espagnols se sont déclarés Juancarliste et non pas monarchiste, pensez-vous qu’avec le départ du Roi émérite, cela va changer l’opinion des Espagnols envers la monarchie ?
Malheureusement non. Les anciens Juancarlistes, déçus par les frasques de leur Roi, sont devenus felipistes. L’actuel souverain incarne la perfection, il ne fait pas de vague, il est discret et centré sur sa petite famille. Tout l’inverse de son père. Mais il est vrai que toutes ces dernières révélations ont sali l‘image de la royauté et nous donne des arguments pour la remettre en cause. Notre lutte va au delà de l’image du roi, c’est l’institution et tout ce qu’elle représente que nous ne voulons plus.
Le discours républicain aujourd’hui en Espagne est-il encore lié à une nostalgie de la IIème république espagnole (1931-1936) ?
Ce n’est pas par nostalgie que nous voulons renverser le régime monarchiste. La grande majorité des défenseurs de la III République sont des jeunes qui ont moins de 40 ans et qui n’ont pas connu la Transition démocratique. Nous aspirons à pouvoir décider d’un modèle constitutionnel. Celui qui est en vigueur n’a pas bougé depuis 1977.
Le Roi Juan Carlos a été imposé par Franco et a permis certes une transition, mais qui conservait tous les pouvoirs en place de l’époque. Nous ne voulons plus de ce legs. Nous demandons juste la possibilité de donner notre opinion à travers un référendum.
Pensez-vous que le fait que la coalition gouvernementale de gauche, qui inclut des partis comme Unidas Podemos ou les communistes de Izquierda Unida avec un discours pro républicain, soit une opportunité de changement ?
Je ne crois pas que cela change grand chose honnêtement. Certes le leader de Podemos, Pablo Iglesias s’est fendu d’un tweet dans lequel il critique la fuite de Juan Carlos face à ses responsabilités judiciaires, mais dans le fond, aussi bien Podemos que Izquierda Unida ont juré sur la Constitution lors de la prise de fonction. Ils n’osent plus évoquer le mot référendum et leurs critiques ne servent qu’à alimenter des débats mais sans plus.
Quelle est donc vote stratégie pour faire triompher la République ?
D’abord la patience, car je crois qu’avec le temps, l’institution monarchique va évoluer, voir disparaître par elle-même. Je ne peux imaginer dans trente ans, assister au règne de la princesse Leonor (la fille de Philipe VI et Letizia). Même les plus monarchiste, pense que cela ne devrait pas se réaliser.
Puis, il faut une prise de conscience depuis la rue, depuis les universités pour que ces privilèges d’un autre âge, qui alimentent les cas de corruption, disparaissent. L’écart est trop grand avec la société espagnole, qui vit avec un smic en dessous de 1.000 euros pas mois, des jeunes qui n’ont pas accès à un travail, ni à un logement digne. Il est temps de dire basta !
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