Liban : sortir du marasme économique et politique

Liban : sortir du marasme économique et politique

 

 

L’économiste libanais Dan Azzi est chercheur en leadership à l’Université Harvard et ancien président de la filiale libanaise de la banque Standard Chartered PLC. Il explique les conditions pour sortir du marasme.

Quel impact aura la double explosion qui a frappé le port de Beyrouth pour un pays qui est déjà au bord du gouffre économique ?

Les conséquences vont être catastrophiques. Ce genre de problème est habituellement rapidement résolu : vous importez des médicaments, et différentes ressources, pour faire face. Mais le Liban, qui n’avait déjà plus l’argent pour le faire, n’a désormais plus les infrastructures. Avec l’explosion, c’est le plus grand port du pays qui est mis à l’arrêt. C’est problématique dans un pays qui importe quasiment tout ce qu’il consomme. L’explosion a aussi endommagé une partie des hôpitaux de la ville, qui ont été saturés par l’arrivée de plus de 4 000 blessées. Cette affluence intervient alors que le système de santé est déjà mis à rude épreuve par la crise du coronavirus. Et pour faire face, nous avons un autre problème, qui lui n’est pas matériel, mais structurel : les caisses du pays sont vides. Notre monnaie ne vaut plus rien. Avec 92 milliards de dollars de dette, nous n’avons, à l’heure actuelle, pas les moyens de réparer les dégâts.

Comment les politiques ont-ils pu laisser la situation financière s’aggraver autant au fil des ans ?

Dans une large proportion, ils n’avaient pas conscience de ce qu’ils construisaient. Au lieu d’investir les devises étrangères détenues par nos banques dans la production industrielle et agricole du pays, les gouvernements qui se sont succédé ont préféré tout miser sur les importations et le renflouement de la livre libanaise. Ces mêmes dirigeants ont, dans le même temps, largement emprunté auprès d’établissements libanais pour financer des dépenses publiques qui ne se sont jamais révélées efficaces. Les taux pratiqués par nos banques étaient pourtant bien plus élevés qu’à l’étranger. Nos leaders n’ont pas compris qu’ils avaient construit une pyramide de Ponzi. Ils considéraient de toute manière que le système bancaire libanais était le plus efficace du monde. Ils ont vécu dans le déni. Or, quand un système pyramidal s’enraye, ce sont des milliards qui disparaissent, et c’est tout un pays qui s’effondre car la confiance n’est plus au rendez-vous.

« Lorsque le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est venu au Liban il y a quelques semaines, il a fait savoir qu’aucun fonds ne serait versé tant que la classe politique n’aura pas entrepris de réformes »

Comment faire pour sortir de ce chaos ?

Nous aurons besoin de la communauté internationale pour rebondir. Son aide financière sera essentielle pour gérer les conséquences des explosions. En ce qui concerne les problèmes structurels, il faudra que nous nous aidions nous-mêmes. Lorsque le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est venu au Liban il y a quelques semaines, il a fait savoir qu’aucun fonds ne serait versé tant que la classe politique libanaise n’aura pas entrepris de réformes. Le FMI, qui pourrait nous verser dix milliards de dollars, tient le même discours. Le changement, c’est le nerf de la guerre. Quand il tente de réformer, le chef du gouvernement, Hassan Diab, est freiné dans ses ambitions par l’élite, qu’elle soit politique, confessionnelle ou bancaire. La corruption et l’incompétence de nos dirigeants ont pour conséquence la souffrance de toute une population.

La crise n’est plus seulement économique, elle est aussi sanitaire. La famine pourrait-elle gagner le Liban ?

Nous ne parviendrons pas à ce stade. Le Liban possède une forte communauté d’expatriés, que j’appelle « pertinents ». Il y a ainsi 1,2 million de personnes à avoir un contact avec le pays, soit parce qu’elles y viennent régulièrement, soit parce qu’elles envoient de l’argent à leurs proches. Toutes les familles libanaises ont au moins un ange gardien de ce type. C’est grâce à eux que nous éviterons de franchir certaines limites, comme la famine. Les standards de vie devront baisser. Les Libanais devront se préparer à voyager moins, à consommer moins… Des temps très durs se profilent. Quant à ce que le pays renaisse de ces cendres en « homme nouveau »… Ce n’est pas vraiment une tradition chez nous, de profiter de ce genre de situation pour opérer un changement.

 

0 Réponses à “Liban : sortir du marasme économique et politique”


  • Aucun commentaire

Laisser un Commentaire




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol