Encore une caricature du plan en France

Encore une caricature du plan en France

 

Thierry Aimar ,docteur en sciences économiques, sollicite Hayek pour démolir de façon caricaturale le concept de plan en général et en France en particulier qui serait même menacé de dictature ! L’économiste n’y va pas de main morte affirmant  le plan serait porteur de tares cognitive, éthique, politique. Un hymne un peu simpliste au marché comme réponse à tous les problèmes de la société.

L’économiste libéral Friedrich Hayek était contre la planification. Que lui reprochait-il ?

L’organisme de planification est confronté à un problème cognitif. Pour atteindre ses objectifs économiques, il lui est nécessaire d’obtenir, de centraliser et de contrôler un ensemble d’informations qui se trouvent dispersées dans une multiplicité de cerveaux individuels. Dans une société aussi complexe, dynamique et innovante que la nôtre, exigeant une réactivité et des réajustements permanents pour coordonner de manière efficace les activités, ce type de planification est destiné à échouer. Pour réussir, les planificateurs auraient besoin de plus d’informations qu’ils ne peuvent épistémologiquement en obtenir.

« L’ordre spontané » permis par la liberté d’initiative des individus incarne une richesse cognitive et une puissance de coordination avec laquelle aucune organisation planifiée ne saurait rivaliser, malgré tous les moyens technologiques désormais à disposition

 

Il ne faut pas confondre l’information transmissible par des canaux et le savoir tacite. Celui-ci est constitué par les savoir-faire, les représentations subjectives, les anticipations des différents acteurs individuels construites à partir de leur propre histoire individuelle et locale. Or, ce n’est pas le langage ou des procédures de communication formalisées qui permettent de transférer cette connaissance enfouie dans leur cerveau. Le Plan est donc incapable d’y avoir accès. C’est seulement en respectant la liberté d’initiative des individus et en laissant cours à leurs activités entrepreneuriales, qu’elles peuvent être socialement mobilisées.

Ces multiplicités d’intelligences décentralisées se cristallisent alors dans des prix, des règles, des traditions qui, en se diffusant dans le corps social, donnent lieu à ce que Hayek appelle un « ordre spontané ». Celui-ci incarne une richesse cognitive et une puissance de coordination avec laquelle aucune organisation planifiée ne saurait rivaliser, malgré tous les moyens technologiques désormais à disposition. Il constitue le seul moyen de gérer la complexité et de coordonner des millions d’activités dans un univers globalisé et toujours plus imprévisible.

C’était d’ailleurs au nom de ce savoir tacite, cette connaissance non formalisable que Hayek avait anticipé dès l’entre-deux-guerres l’inefficacité toujours plus grande des systèmes d’économie planifiée de l’URSS, appliqués à toute l’Europe de l’Est après la Seconde Guerre mondiale. Débordés par la complexité de l’information nécessaire à la réussite de la planification, ces systèmes ont fini par imploser.

Le problème de la planification est-il seulement cognitif pour Hayek ?

Il est aussi politique et éthique. La planification impose de la rigidité aux agents qui les empêche d’adapter leurs activités aux changements inévitables d’informations qui affectent leur environnement. Si le Plan devait laisser aux individus leur pleine liberté d’action et d’initiative, cela l’obligerait à réviser continuellement ses objectifs sans pouvoir espérer les réaliser un jour. Tout Plan exige du statisme. Il fige la décision et place ainsi les agents économiques dans des carcans. Pour Hayek, c’est justement parce que ses objectifs sont continuellement challengés par des initiatives privées qui le débordent, que le plan a besoin d’étendre son contrôle sur toutes les activités individuelles « dissidentes ». Si on le laisse développer ce contrôle, c’est toute l’économie de marché qui doit disparaître. Pour Hayek, cette logique conduit à la fameuse Route de la servitude qu’il dénonçait dès 1944. Le Plan n’est pas la réponse aux écueils du marché ; au contraire, c’est le Plan qui augmente les inefficacités du marché en l’empêchant de s’auto-organiser de manière efficace.

La crise a créé beaucoup d’angoisse, et par atavisme, beaucoup de gens pensent que la solution viendra de l’autorité politique qui apparaît de nouveau comme un ange gardien censé veiller sur notre sécurité et assurer une stabilité éternelle en nous protégeant du marché

La crise du coronavirus n’a-t-elle pourtant pas révélé que nous avions besoin de nous organiser si nous voulions garder en France la fabrication de médicaments par exemple ?

La Covid-19 est l’exemple d’un événement imprévisible. Geler des ressources en fonction d’un événement dont la probabilité ne peut pas être définie n’est pas synonyme d’efficacité économique globale, bien au contraire. Si on applique un raisonnement par l’absurde, anticiper la possibilité qu’un jour des extraterrestres cherchant à nous détruire devrait nous conduire à consacrer la majeure partie du PIB mondial à la défense militaire. Quand on parle de la Covid-19 comme le signe d’un échec de la mondialisation et de l’absence de décision politique, on se trompe totalement de combat. Le politique n’a pas plus d’informations que le marché pour prévoir des événements imprévisibles. Au contraire, ce serait plutôt grâce au marché que l’on réussit à s’ajuster le moins mal possible aux événements imprévisibles en libérant les initiatives et en multipliant les adaptations locales et décentralisées. La Covid-19 reprend en Chine. Il n’y a donc pas de gestion ou de prévision plus efficace dans un pays dirigiste. En revanche, la privation de liberté est beaucoup plus grande que dans les pays régis par les règles de marché.

Pourquoi le Plan revient-il aujourd’hui, les gens ont-ils besoin d’être rassurés ?

C’est en effet pour des raisons psychologiques. La crise a créé beaucoup d’angoisse, et par atavisme, beaucoup de gens pensent que la solution viendra de l’autorité politique qui apparaît de nouveau comme un ange gardien censé veiller sur notre sécurité et assurer une stabilité éternelle en nous protégeant du marché. C’est évidemment une pure utopie qui fait abstraction de l’immense littérature qui a démontré depuis un siècle les limites cognitives ainsi que les dégâts politiques d’une gestion étatique et planifiée de l’économie. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui dans le cadre d’une société qui se caractérise par des changements technologiques et institutionnels gigantesques. Le mythe de l’Etat paternaliste qui débarrasse les citoyens du risque a historiquement mené au totalitarisme. Il est sans doute temps de relire Hayek.

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