« L’activité humaine complètement dématérialisée !!
Le télétravail, les robots , une façon générale les nouvelles technologies laissent parfois entendre que le travail pourrait être totalement dématérialisées. Dans les faits aujourd’hui en France 60 % des tâches nécessitent une intervention humaine et des contacts entre partenaires. 40 % seulement des tâches pourraient être dématérialisés notamment celle de certains cadres. Même pour des activités comme le notariat le contact humain paraît encore souhaitable.
Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat( interview JDD)
Quel est votre bilan de ces deux mois de confinement pour le notariat?
Sur le plan économique, la crise a porté un sérieux coup d’arrêt à l’activité notariale, qui a chuté de 75 % en nombre d’actes. Heureusement que nous avons vécu ce confinement en 2020, et pas dans les années 1990! Le numérique a permis de maintenir le lien avec nos clients et d’assurer une continuité de service, au cœur de notre mission. Sur le plan social, la pandémie a exacerbé ce que nous avions touché du doigt avec les Gilets jaunes, la crise des territoires. Il existe une fracture numérique en France entre les métropoles, technologiquement équipées, et les territoires ruraux, peu et mal desservis.
Comment et avec quels outils les quelque 6.000 études se sont-elles organisées?
La quasi-totalité d’entre elles sont restées ouvertes et ont continué leur activité de conseil à distance. Les actes qui pouvaient être régularisés l’ont été grâce à des procurations et à la comparution à distance : ce chantier que nous avions engagé depuis longtemps a été accéléré, avec un décret examiné par le Conseil d’État en quinze jours. Le nombre de stations de télétravail a été multiplié par 10, et les notaires ont largement utilisé la visioconférence. Nous avons mis en place un numéro d’appel, le 3620 : en deux mois, 1.700 notaires ont recueilli 15.000 appels, d’une durée moyenne de dix minutes. Nous avons aussi maintenu un lien étroit avec l’ensemble des pouvoirs publics, notamment pour faire admettre le chômage partiel.
Quelles sont les principales urgences auxquelles les notaires ont dû faire face?
Il a fallu principalement gérer l’ensemble des délais qui ne pouvaient pas être respectés sur les compromis de vente et les successions. L’urgence a été de maintenir le contact avec les clients qui avaient besoin d’être informés et rassurés. Les notaires ont aussi été confrontés aux conséquences dramatiques de la crise sanitaire, avec, au pic de la pandémie, un nombre important d’appels annonçant le décès d’un proche.
La dématérialisation des relations était un chantier avancé pour les notaires. Qu’est-ce que la crise a accéléré dans cette optique?
L’activité est en effet fortement dématérialisée, avec près de 95 % des actes dressés sur supports numériques, mais le confinement a dopé leur usage. Quant au télétravail, nous sommes passés de 2.500 postes à 30.000 en quelques jours. Il n’en restera pas autant, mais ce mode de travail a fait ses preuves, et les études vont repenser leur manière de gérer leurs effectifs.
Comment définiriez-vous le rôle social des notaires dans cette période d’incertitude?
Il est indispensable de s’approprier les nouvelles technologies. Néanmoins, l’homme n’est ni un algorithme ni une équation. L’échange est irremplaçable, et le numérique restera ce qu’il doit être, une assistance, une aide, qui ne peut pas remplacer la réalité du terrain. Par exemple, les régimes matrimoniaux diffèrent selon les régions et les traditions, il est donc essentiel de maintenir le maillage territorial afin de rester au plus près des Français et surtout de les rencontrer. La déjudiciarisation de certaines missions voulue par l’État est possible à condition que soit mise en œuvre une politique de proximité.
Le notariat fait-il partie des métiers qui ne pourront jamais être entièrement digitalisés?
Heureusement! J’ai parfois fait l’expérience de webconférences pendant lesquelles je m’adressais à 1.000 personnes sans les voir, sans recevoir le plus petit signe d’approbation ou de dénégation, ce n’est pas la même qualité d’échange. Des sujets délicats ou des négociations compliquées ne peuvent se traiter sans lien physique. Tout ce qui a trait à l’activité humaine ne pourra jamais être complètement dématérialisé.
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