Renault, exemple d’industrialisation et de délocalisation
Le constructeur a symbolisé la prospérité française avant d’illustrer la désindustrialisation du pays, explique l’universitaire Bernard Jullien. dans le monde
Bernard Jullien, maître de conférences en économie à l’université de Bordeaux et ancien directeur du Gerpisa (Groupe d’étude et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile, ENS Cachan), espliue en quoi Renault est à la fois un exemple d’industrialisation en France et de délocalisation
Les difficultés de Renault suscitent, plus que celles de tout autre industriel en France, l’attention de l’opinion et des débats politiques passionnés. Pourquoi ?
Les Français ont de Renault une représentation offrant deux dimensions simultanées : l’une s’inscrit dans le paysage actuel, tant la marque est visible sur les lieux de leur vie quotidienne, à la fois sur les routes et dans les rues, et par son réseau très dense de concessionnaires et d’agents. L’autre est plus symbolique : Renault est en quelque sorte le reflet des mutations économiques et industrielles de la France.
Après-guerre, le constructeur est devenu l’emblème d’une prospérité française construite sur d’immenses sites industriels et une forte intervention de l’Etat : c’est l’Etat qui, en fournissant à la firme nationalisée ressources, matériaux et directives, lui a assigné le rôle de doter la classe ouvrière d’automobiles − la 4 CV et ses successeurs − alors que Citroën était la marque des paysans et Peugeot celle « des hommes à chapeau ». C’est ce qui a fondé le rapport particulier que l’opinion et l’Etat, et donc le politique, entretiennent avec cet industriel.
Y compris lorsque, inversement, Renault est devenu pendant les années 1980 et 1990 le symbole de la désindustrialisation du pays. Comme d’autres constructeurs en Europe, Renault a pratiqué une stratégie de délocalisation et de mise en concurrence des sites de production, ce qui a conduit à la fonte des effectifs et à des fermetures en France au profit de nouvelles lignes plus modernes et à plus faibles salaires en Espagne, en Turquie, etc.
C’est par cette stratégie que, depuis trente ans, Renault a « éteint » la contestation syndicale, l’Etat n’émettant que de faibles protestations au nom du « sauvetage » de la marque, toujours considérée comme française par l’opinion alors que de moins en moins d’acheteurs roulent dans des voitures Renault fabriquées en France, sauf pour les véhicules utilitaires et de rares modèles.
Oui, alors qu’il ne s’agit plus de préserver véritablement un outil de production − la poursuite de la fermeture de sites industriels, jugée inéluctable par la direction, était programmée avant la pandémie, qui n’est ici qu’un prétexte ou un catalyseur. Renault est devenu de fait − comme le disait son ancien président Louis Schweitzer − une entreprise comme une autre. «
Dette: qui va payer! Tout le monde
Finalement rares sont les secteurs qui n’ont pas été directement ou indirectement s du Coron virus. Rares dans les secteurs qui ne réclament pas un plan d’aide. Il faudra évidemment payer la facture de la crise sanitaire qui va prolonger le déficit de la sécurité sociale pendant au moins 10 ans.
Parallèlement engager un plan énorme de soutien au secteur économique, limiter la vague de défaillance d’abord sans doute aux entreprises symboliques mais aussi le moment venu aux PME qui fournissent le plus le plus gros contingent de main-d’œuvre et qui sont le plus souvent les plus fragiles financièrement surtout quand des mesures administratives limitent encore leurs activités. D’une manière ou d’une autre, en empruntant ou en faisant tourner la planche à billets, on va augmenter considérablement la masse monétaire par rapport à la richesse nationale et le moment venu se produiront des ajustements monétaires via les parités qui auront pour conséquence de tirer l’inflation par le haut. De toute manière dans nombre d’activités si les prix n’ont pas encore évolué à la hausse par contre les coûts eux se sont envolés du fait de charges fixes mais aussi d’une baisse de la demande.
La question est de savoir qui va payer une facture qui pourrait bien au total se situer entre 500 milliards ( déjà annoncée pour les mesures prises par le ministre de l’économie) et 1000 milliards ( autour de 250 milliards de pertes de richesse nationale avec la baisse de croissance auxquels il faudra ajouter l’indispensable plan social pour supporter 1 à 2 millions de chômeurs supplémentaires sans parler du soutien au pouvoir d’achat des ménages.
La question de se pose de savoir qui va payer. La réponse est simple: tout le monde, plus ou moins évidemment. Il y a évidemment les épargnants notamment les plus modestes dont les revenus ne sont pas réévalués compte tenu de l’inflation réelle. Les autres aussi. Et bien sûr tous les ménages à travers l’inflation qui va sans doute s’envoler des que la reprise commencera à être un peu significative. Tout dépendra en faite du rapport entre la richesse nationale et la masse monétaire. Si le décalage s’accroît encore entre ces deux termes, c’est l’inflation assurée. C’est-à-dire une sorte de prélèvement obligatoire qui ne dit pas son nom.
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