«Avec Covid-19!, vers le paiement numérique

«Avec Covid-19!, vers le paiement numérique

La pandémie pourrait être un véritable tournant vers les paiements numériques, estime Marion Labouré, stratégiste chez Deutsche Bank ( L’opinion)

 

Marion Labouré.

La pandémie de Covid-19 pourrait bien être le catalyseur tant attendu propulsant les paiements numériques vers un usage généralisé. En effet, de nombreux experts considèrent que l’argent liquide est un vecteur de transmission du virus et la pandémie actuelle force les pays à repenser l’utilisation du cash. Dans le but de restaurer la confiance, certaines banques centrales ont déployé des efforts de communication pour dire que les risques de contamination étaient faibles. Alors que d’autres sont allées jusqu’à la mise en quarantaine, la désinfection et l’isolement de billets afin d’endiguer la propagation du virus. Il ne fait aucun doute que l’épidémie incitera les gouvernements, les banques centrales et les entreprises à accélérer la transition vers les paiements numériques.

Les paiements physiques : un vecteur de transmission de pathogènes

Le nettoyage de l’argent liquide est justifié par l’avis unanime des experts qui jugent que la monnaie peut être un vecteur pour le pathogène, comme le moustique peut l’être pour le paludisme par exemple. Les études ont montré que les billets et les cartes bancaires, comme toute surface touchée par un grand nombre de personnes, peuvent abriter des bactéries ou des virus.

Une étude récente a suggéré que le coronavirus « pourrait persister sur une surface inanimée comme du métal, du verre ou du plastique jusqu’à neuf jours mais pourrait être efficacement inactivé par des procédures rigoureuses de désinfection ». Une autre étude a montré que le virus pourrait survivre sur du plastique ou de l’acier jusqu’à trois jours après la contamination de la surface, et sur du carton ou du cuivre pendant un jour entier.

Les usagers peuvent facilement désinfecter leurs Smartphones et cartes bancaires, cela permettrait de prévenir la diffusion du virus

Les Smartphones ne sont pas nécessairement une meilleure option pour éviter la transmission du pathogène. En effet, les premières études montrent que le coronavirus pourrait survivre jusqu’à une semaine sur un écran de smartphone. Les chercheurs ont montré que 92 % des Smartphones et 82 % des mains de leurs usagers présentent des bactéries sur leur surface. Evidemment, les usagers peuvent facilement désinfecter leurs Smartphones et cartes bancaires, cela permettrait de prévenir la diffusion du virus. La désinfection du cash est, quant à elle, une affaire bien plus complexe.

Les banques centrales ne réagissent pas toutes de la même façon

Ces dernières semaines, le nombre de recherches internet comportant les termes « cash virus » ont atteint des sommets. Ce phénomène a été constaté dans des territoires aussi différents que l’Australie, le Canada, la France, l’Irlande, Singapour, la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Les banques centrales ont répondu aux questions soulevées par la population de trois manières distinctes. Premièrement, plusieurs banques centrales (notamment la Banque d’Angleterre, la Banque Fédérale d’Allemagne, la Banque Nationale du Canada et la Banque Centrale Sud-Africaine) ont activement communiqué sur le fait que les risques de contamination étaient minimes.

Ensuite, d’autres banques centrales ont pris des mesures de précaution : la Banque de Chine a été la pionnière, puis les banques centrales de Corée du Sud, Hongrie et du Koweït ont commencé à désinfecter et même détruire les billets afin de lutter contre la diffusion du virus. Enfin, par peur d’importer de la monnaie contaminée d’Asie, la Réserve Fédérale Américaine a proclamé une mesure d’isolement pour les billets provenant de cette région du monde. Plusieurs autres gouvernements et banques centrales (notamment d’Inde, Indonésie et Géorgie) ont quant à eux explicitement encouragé les paiements numériques.

Durant les dernières semaines, plus de la moitié des paiements par carte bancaire ont été réalisés sans contact, contre un tiers en décembre en Allemagne

Le Covid-19 alimente la transition vers les paiements numériques

A court terme, la pandémie pourrait contribuer à accélérer la transition, déjà initiée, vers les paiements numériques. En effet, l’impact sur les systèmes de paiement en Asie pourrait se ressentir plus précocement qu’en Europe ou aux États-Unis, compte tenu de l’engouement pour les paiements digitaux en Orient.

A la fin de l’année 2018, environ 73 % des internautes chinois utilisaient un système de paiement en ligne (alors qu’ils étaient 18 % en 2008). Une des principales explications à cette dichotomie avec l’Europe et les États-Unis est la part plus importante de jeunes dans la population et leur plus grande disposition à adopter les nouvelles technologies.

Cependant, la pandémie pourrait être un véritable tournant sachant que les personnes les plus âgées sont également les plus vulnérables au virus. Elles sont par ailleurs les plus ferventes adeptes du cash et les moins enclines à modifier leurs habitudes pour embrasser les paiements digitalisés.

Les habitudes enracinées dans un système ancien sont les plus difficiles à déloger. Cela pourrait être un problème conséquent, en termes de contrôle de la maladie, particulièrement dans les sociétés où le cash est très important et dont les populations sont vieillissantes, comme aux Etats-Unis ou en Allemagne. Pour diminuer les contacts physiques et les queues aux caisses, la limite des paiements sans contact est passée de 30 à 50 euros dans la plupart des pays européens.

Mais l’évolution se fait déjà ressentir : durant les dernières semaines, plus de la moitié des paiements par carte bancaire ont été réalisés sans contact, contre un tiers en décembre en Allemagne. La digitalisation des paiements en Europe pourrait avoir un impact non négligeable car il n’y a à ce jour, aucune entreprise européenne leader des paiements numériques, contrairement à la Chine. Ainsi, l’engouement des Européens pour les paiements digitaux pourrait être une aubaine pour les entreprises américaines de paiement en ligne. De plus, la plupart des sondés ont reconnu prévoir d’utiliser un portefeuille électronique plus fréquemment dans les six prochains mois. Ils pensent également que le portefeuille électronique remplacera son équivalent traditionnel dans les cinq prochaines années. En attendant 2025, nous nous attendons à ce que les e-portefeuilles deviennent la seconde méthode de paiement favorite après la carte bancaire, et la préférée chez les millénnials.

A moyen et long terme, ces considérations contribueront à pousser les banques centrales à développer leur propre monnaie digitale (CBDC, pour Central Bank Digital Currency). En réalité, les banques centrales ont déjà commencé à mettre en place des initiatives concernant leur propre monnaie digitalisée. Aujourd’hui 80 % d’entre elles développent une CBDC et 10 % sont déjà en train de lancer un projet pilote.

La Suède, où la circulation d’argent liquide représente seulement 1 % du PIB, pourrait devenir la première nation cashless au monde d’ici mars 2023

Des pays, représentant un cinquième de la population mondiale, sont susceptibles de proposer leur monnaie digitale dans les trois prochaines années. Ce processus est déjà en cours. L’ancien président de la Banque Centrale de Chine, Li Lihui, a déclaré qu’une monnaie digitale serait pratique, efficace et intéressante financièrement, et qu’elle serait particulièrement appréciée pendant une épidémie. Des rapports indiquent que la Banque Populaire de Chine, en collaboration avec des entreprises privées a déjà développé une monnaie numérique qui posséderait des fonctions basiques.

Au cours des dernières semaines, sans passer par une annonce formelle, la Chine a esquissé les essais de sa nouvelle monnaie digitale dans quatre métropoles, avec Starbucks et McDonald’s comme partenaires. En février 2020, la Suède, où la circulation d’argent liquide représente seulement 1 % du PIB, a révélé réaliser ses premiers essais sur le e-krona et pourrait devenir la première nation « cashless » au monde d’ici mars 2023.

Aux Etats-Unis, le plan de relance lié au Covid-19 incluait initialement de soutenir l’économie grâce à une monnaie digitale, mais ce projet a finalement été abandonné. La Réserve Fédérale américaine aurait donc pu utiliser un « dollar digital » et des portefeuilles virtuels pour effectuer des paiements aux individus et aux entreprises.

Ainsi, bien que le coronavirus puisse être « un pathogène qui n’apparaît qu’une fois par siècle » d’après les mots de Bill Gates, une solution tout aussi exceptionnelle pourrait permettre de répondre efficacement à cette situation (au moins du point de vue des paiements). Le virus a déjà poussé les pays à désinfecter, détruire et réimprimer leurs devises. En comparaison de cet effort conséquent, un système de paiement numérique peut apparaître comme une solution bien plus simple et efficace.

Marion Labouré est stratégiste chez Deutsche Bank

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