Un déconfinement technocratique en vert et rouge
Une nouvelle fois on confond la géographie économique, sociale, naturelle et politique. Le découpage du pays en départements en vert ou rouge selon l’intensité de la pandémie n’a aucun sens. Certes certaines régions ont été plus infectées c’est que d’autres mais il s’agit surtout des zones concentrées du sud-est, de l’Est et de la région parisienne. Même à l’intérieur de ces régions et des départements concernés il y a de fortes disparités. Dans les autres régions globalement moins touchées, les disparités sont très importants à l’intérieur de chaque département. Évidemment dans les métropoles et les grandes villes, le taux d’infectés et de malades est assez important par rapport à la moyenne. À l’inverse dès qu’on éloigne vers les zones rurales l’épidémie devient heureusement assez marginale en raison de la distanciation géographique quasi mécanique entre les habitants. Ce zonage en couleurs vite surtout à conforter le pouvoir des préfets au détriment des responsabilités des vraies autorités locales que sont notamment les maires.
Même si des questions se posent autour de cette méthode, Édouard Philippe a livré ce mardi des précisions. Élaborés par la Direction générale de la santé et Santé publique France, trois critères vont permettre cette classification qui sera arrêtée le 7 mai prochain. Ainsi le bulletin de santé d’un département sera mauvais donc rouge si, sur son territoire, «la circulation du virus reste active», si encore «les capacités hospitalières en réanimation restent tendues» et si également «le système local de tests et de détection des cas contacts» n’est pas suffisamment prêt. Les départements du Grand Est et ceux de l’Île-de-France, touchés de plein fouet par l’épidémie, rejoignent aujourd’hui de toute évidence cette catégorie rouge, tandis que ceux du Sud-ouest, épargnés par la crise sanitaire, sont rassemblés dans l’autre.
C’est à compter de ce jeudi que ces «bulletins de santé» vont être rendus public. Le directeur général de la santé va, en effet, présenter tous les soirs la carte avec ces résultats, département par département a indiqué Édouard Philippe devant les députés. Puis, le 7 mai prochain, le verdict tombera: ces territoires sauront quelle couleur revêtir et définiront les mesures à prendre en fonction de leur situation. Et «si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai» ou alors «plus strictement», a aussi prévenu le chef du gouvernement, qui prévoit ensuite d’analyser la situation fin mai. Le 2 juin et en fonction de l’évolution du virus, d’autres mesures pourront être annoncées.
«Le port du masque sera obligatoire pour les professionnels de la petite enfance, puisque les règles de distanciation physique ne peuvent pas y être appliquées», a-t-il précisé. De leur côté, toutes les classes des écoles maternelles et primaires rouvriront également, partout sur le territoire, dans la limite de «15 élèves par classe», à partir du 11 mai. Les écoliers n’auront pas à porter de masque, lequel est même «prohibé» chez les moins de 6 ans. Les directeurs d’école auront néanmoins accès à des stocks de masques chirurgicaux de taille enfant, à utiliser si un écolier présentait soudain des symptômes faisant craindre le Covid-19.
Quant au personnel scolaire, il recevra des masques, tant dans les écoles que dans les collèges. C’était une des grandes demandes des enseignants. Les collégiens de sixième et de cinquième reprendront à partir du 18 mai, mais uniquement dans les régions «vertes». En Île-de-France et dans le Grand Est, par exemple, les collégiens devraient rester chez eux. Les autres classes des collèges et des lycées pourraient rouvrir à partir de juin, «Avec une priorité pour les lycées professionnels», a souligné Édouard Philippe. Mais il n’est pas exclu qu’elles «restent fermées jusqu’au mois de septembre», a expliqué le ministre de l’Éducation nationale mardi soir.
Les familles pourront choisir de garder leurs enfants à la maison si elles le souhaitent, le premier ministre a précisé que ce retour à l’école était «sur la base du volontariat». Les professeurs, eux, devront revenir «sauf si ce sont des personnes à risques ou si quelqu’un l’est dans leur entourage, précise-t-on au ministère de l’Éducation. Tous les autres continueront à les accompagner à distance».
Le plan présenté diffère des pistes évoquées par Jean-Michel Blanquer la semaine dernière. Ce dernier entendait donner la priorité à certaines classes et rouvrir les lycées plus vite. Les dernières données épidémiologiques, tendant à démontrer que les enfants de moins de 10 ans sont faiblement malades et peu contagieux, ont joué pour une réouverture totale et plus précoce des écoles. «On peut aussi considérer que les apprentissages fondamentaux se jouent dans les petites classes», analyse Hubert Salaün, de la Peep, fédération de parents d’élèves du public. Le responsable du principal syndicat de chefs d’établissement, Philippe Vincent, du SNPDEN-Unsa, estime avoir été «plutôt entendu», puisque collèges et lycées ne rouvriront pas ou peu…
Quant aux syndicats d’enseignants du primaire, c’est une autre tonalité. Le plus important, le SNUipp-FSU, déclare «ne pas être prêt». Stéphane Crochet, du SE-Unsa, considère que «la reprise présentée par le premier ministre est inacceptable et impossible». Reste une inconnue: dans quelle mesure les maires accepteront-ils de faire travailler leur personnel périscolaire et de nettoyage, indispensable pour rouvrir les écoles?
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