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Crise: « nos vrais besoins masqués dans les aliénations du quotidien » (Edgard Morin )

Crise: « nos vrais besoins masqués dans les aliénations du quotidien » (Edgard Morin )

Le  sociologue et philosophe Edgard Morin  estime que la course à la rentabilité comme les carences dans notre mode de pensée sont responsables d’innombrables désastres humains causés par la pandémie de Covid-19. ( le Monde)

« Né en 1921, ancien résistant, sociologue et philosophe, penseur transdisciplinaire et indiscipliné, docteur honoris causa de trente-quatre universités à travers le monde, Edgar Morin est, depuis le 17 mars, confiné dans son appartement montpelliérain en compagnie de sa femme, la sociologue Sabah Abouessalam.

C’est depuis la rue Jean-Jacques Rousseau, où il réside, que l’auteur de La Voie (2011) et de Terre-Patrie (1993), qui a récemment publié Les souvenirs viennent à ma rencontre (Fayard, 2019), ouvrage de plus de 700 pages au sein duquel l’intellectuel se remémore avec profondeur les histoires, rencontres et « aimantations » les plus fortes de son existence, redéfinit un nouveau contrat social, se livre à quelques confessions et analyse une crise globale qui le « stimule énormément ».

Toutes les futurologies du XXe siècle qui prédisaient l’avenir en transportant sur le futur les courants traversant le présent se sont effondrées. Pourtant, on continue à prédire 2025 et 2050 alors qu’on est incapable de comprendre 2020. L’expérience des irruptions de l’imprévu dans l’histoire n’a guère pénétré les consciences. Or, l’arrivée d’un imprévisible était prévisible, mais pas sa nature. D’où ma maxime permanente : « Attends-toi à l’inattendu. »

De plus, j’étais de cette minorité qui prévoyait des catastrophes en chaîne provoquées par le débridement incontrôlé de la mondialisation techno-économique, dont celles issues de la dégradation de la biosphère et de la dégradation des sociétés. Mais je n’avais nullement prévu la catastrophe virale.

Il y eut pourtant un prophète de cette catastrophe : Bill Gates, dans une conférence d’avril 2012, annonçant que le péril immédiat pour l’humanité n’était pas nucléaire, mais sanitaire. Il avait vu dans l’épidémie d’Ebola, qui avait pu être maîtrisée assez rapidement par chance, l’annonce du danger mondial d’un possible virus à fort pouvoir de contamination, il exposait les mesures de prévention nécessaires, dont un équipement hospitalier adéquat. Mais, en dépit de cet avertissement public, rien ne fut fait aux Etats-Unis ni ailleurs. Car le confort intellectuel et l’habitude ont horreur des messages qui les dérangent.

Dans beaucoup de pays, dont la France, la stratégie économique des flux tendus, remplaçant celle du stockage, a laissé notre dispositif sanitaire dépourvu en masques, instruments de tests, appareils respiratoires ; cela joint à la doctrine libérale commercialisant l’hôpital et réduisant ses moyens a contribué au cours catastrophique de l’épidémie. »

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