Après le coronavirus : « Un autre monde n’adviendra pas »
Vincent Charlet, Expert en innovation industrielle, dans une tribune au « Monde », ne croit pas au grand jour de la relocalisation en France.
Tribune. C’est un questionnement planétaire : le coronavirus, non content de provoquer une récession, annonce-t-il la fin de la mondialisation ? Chercheurs et militants répondent majoritairement par l’affirmative ces jours-ci, prophétisant le bouleversement de nos choix de consommation et celui des stratégies d’entreprise. Cette perspective ne résiste pourtant pas à l’examen. De fait les échanges internationaux sont toujours en expansion et sont guidés par les lois et les prix plutôt que par nos aspirations individuelles.
La conversion des habitudes de consommation est un fait rarissime. Les sursauts en forme de « plus jamais ça » restent éphémères. La confiance dans les institutions a certes pu en être affectée – on pense à Tchernobyl ou au sang contaminé – mais pas les habitudes de consommation. La France a, par exemple, compté 40 000 morts en 1969 à cause de la grippe d’Hongkong. Cela a-t-il changé le cours de la mondialisation et les préférences des consommateurs ? Non, bien sûr. En 2005, les pouvoirs publics redoutaient que la grippe aviaire ne se transforme en catastrophe humaine qui fasse reculer le PIB mondial de 1 à 5 points sur l’année. Mais cela n’a pas modifié les comportements alimentaires à l’aune de ce risque.
La seconde perspective est celle qui voudrait que les entreprises, échaudées par leur dépendance soudain révélée à l’égard de certains fournisseurs, décident de rapatrier une part substantielle de leur production à proximité de leur pays d’origine. Certaines déplaceront peut-être des usines, mais déplacer ne veut pas dire relocaliser, surtout si les acheteurs privés et publics restent peu enclins à payer le surcoût d’une fabrication locale. Plus fondamentalement, ce virus ne suffit pas à discréditer leurs choix passés. Les dividendes de leurs investissements faits à l’étranger qu’elles rapatrient en France – les « bienfaits de la mondialisation » vus de France en quelque sorte – financent depuis longtemps le déficit commercial. Comment donc s’attendre à une réorganisation des entreprises autrement que marginale ? »
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