« Le retour de la planification à la française ? « 

« Le retour de la planification à la française ? « 

L’historien Philippe Mioche rappelle, dans une tribune au « Monde », que la planification mise en œuvre par Jean Monnet est un outil qui a bien fonctionné pour relancer l’économie après la seconde guerre mondiale.

Tribune. Des nationalisations sont envisagées par les pouvoirs publics. Afin de préparer l’après-crise, pourquoi ne pas penser aussi à la planification à la française ?

C’est dans une situation de grande urgence que Jean Monnet (1888-1979) a proposé au général de Gaulle, en décembre 1945, de créer ce qui va devenir le Commissariat général du Plan. Le général signe le décret quelques jours avant de quitter le gouvernement. Jean Monnet et sa petite équipe veulent établir des priorités en matière d’approvisionnements de matières premières, de biens alimentaires et d’importations d’équipements, essentiellement des Etats-Unis.

Dans un second temps, il s’agit de hiérarchiser les investissements à venir. L’ambition du plan de modernisation et de reconstruction de la France (1946-1952) est venue progressivement.

Le vocabulaire utilisé, Commissariat général du Plan, est une concession à l’ambiance de l’époque où le système soviétique est encore auréolé de la victoire. Mais le plan qui deviendra le « plan Monnet », n’est pas coercitif, il est indicatif. Il propose des directions pour engager la reconstruction et en même temps la modernisation du pays. Le plan n’a pas de bâton.

Mieux encore, l’adoption par les acteurs professionnels des mesures préconisées par le plan les abrite de la vague de nationalisations en cours. Le cas le plus flagrant est la sidérurgie qui, en adoptant le plan, n’est pas alors nationalisée. Sans bâton, le plan dispose d’une carotte avec les dollars du plan Marshall qui viendront financer les objectifs du plan.

En janvier 1946, avec le soutien de la majorité tripartite (Parti communiste, SFIO et Mouvement républicain populaire), Jean Monnet met en place les commissions de modernisation en s’inspirant d’expériences antérieures au Royaume-Uni et aux Etats-Unis du New Deal. Les commissions de modernisation regroupent des représentants des syndicats de salariés (la CGT est alors prépondérante), du patronat (le CNPF est en cours d’organisation) et de l’administration avec des hauts fonctionnaires.

En février-mars 1946, les huit premières commissions portent sur les secteurs suivant : houillères, électricité, productions végétale et animale, équipement rural, BTP, matériaux de construction et sidérurgie. D’autres viendront ensuite, soit vingt-quatre commissions au total.

Les différentes commissions n’ont pas exactement le même profil, mais la répartition générale des participants aux premières commissions est la suivante : syndicalistes 20 %, patronat 31 %, administration (représentants des ministères) 29 % et experts et divers 20 %. Elles réunissent ce que l’on appelait alors « les forces vives » du pays. … »

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