Coronavirus : un effet systémique (Carmen Reinhart)
Carmen Reinhart, l’économiste américaine spécialiste des crises financières, craint un effet systémique du Corona virus
Tribune.
Alors que les pandémies sont relativement rares et que les pandémies sévères le sont encore plus, je ne connais aucun épisode historique à même de fournir un aperçu des conséquences économiques probables de la crise mondiale du coronavirus que nous traversons. Cette fois-ci, c’est vraiment différent.
Une caractéristique essentielle de cet épisode qui le rend unique est la réponse politique. Les gouvernements du monde entier accordent la priorité aux mesures qui limitent la propagation de la maladie et qui sauvent des vies, notamment au confinement complet d’une région (comme en Chine) et même de pays entiers (Italie, Espagne et France, par exemple). Un grand nombre d’autres pays, dont les Etats-Unis font partie, ont imposé de strictes interdictions sur les voyages internationaux et ont interdit toute forme d’événements publics.
Ces mesures se situent aux antipodes de la réponse politique à l’épidémie virale la plus meurtrière des temps modernes, la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919. Cette pandémie, qui a coûté la vie à 675 000 personnes aux Etats-Unis et à près de 50 millions de personnes dans le monde, s’est produite dans le contexte de la première guerre mondiale. Ce fait à lui seul empêche d’établir des comparaisons significatives sur les effets spécifiques de la pandémie de Covid-19 sur l’économie américaine, ou mondiale.
En 1918, l’année où les décès liés à la grippe espagnole ont culminé aux Etats-Unis, les faillites étaient à moins de la moitié de leur niveau d’avant-guerre, et elles étaient encore inférieures en 1919. Grâce à l’effort de production en temps de guerre, le produit intérieur brut (PIB) réel des Etats-Unis a augmenté de 9 % en 1918 et d’environ 1 % l’année suivante, alors même que la grippe faisait rage.
En revanche, avec le Covid-19, l’énorme incertitude qui entoure la propagation possible de la maladie, et la durée de la quasi-paralysie économique nécessaire pour lutter contre le virus, font qu’on ne peut plus distinguer les prévisions des tentatives d’un devin pour prédire ce qui nous attend. Mais compte tenu de l’ampleur et de la portée du choc du coronavirus, qui simultanément fait plonger la demande et perturbe l’offre, les effets initiaux sur l’économie réelle vont probablement dépasser ceux de la crise financière mondiale de 2008-2009.
Bien que la crise du coronavirus n’ait pas commencé comme une crise financière, elle pourrait bien acquérir une gravité systémique. »
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