Réguler le capitalisme vers davantage de progrès social
Dans un entretien au « Monde », c’est le propos de l’économiste Anton Brender estime qu’il est possible de revenir à une stratégie sociale-démocrate afin de renouer avec l’idée de progrès social .
Tribune
Anton Brender est économiste dans une société privée de gestion d’actifs. Professeur associé honoraire de l’université Paris-Dauphine, il a publié plusieurs ouvrages de macroéconomie sur les crises et les déséquilibres financiers, dont certains en collaboration avec Florence Pisani. Son dernier essai, Capitalisme et progrès social (La Découverte, 128 pages, 10 euros), propose une lecture de l’histoire du capitalisme et une réhabilitation du projet social-démocrate pour guider son futur.
Pourquoi les mécanismes qui étaient hier à l’origine d’avancées sociales sont aujourd’hui enrayés ?
On a trop longtemps oublié que les progrès observés dans les sociétés occidentales depuis que le capitalisme y a pris son essor ne peuvent être attribués au capitalisme laissé à lui-même. Au contraire, on les doit aux contraintes et aux régulations que nos sociétés lui ont peu à peu imposées : le capitalisme est devenu un moteur du progrès social parce que, loin de le laisser faire, nos sociétés se sont opposées à lui. Ce faisant, elles l’ont forcé à aller dans une direction qu’il n’aurait jamais empruntée de lui-même.
Le profit est en effet la seule boussole du capitalisme. Elle le conduit à accumuler toujours plus de capital et le pousse à acheter le moins cher possible le travail dont il a besoin pour valoriser ce capital. Elle le mène ainsi vers un problème : comment valoriser un capital qui ne cesserait de croître ? En s’opposant à lui, nos sociétés ont aidé le capitalisme à trouver la solution. Les luttes sociales, comme les combats politiques qui ont poussé à l’augmentation des salaires et à la réduction du temps du travail, ont permis à la consommation de progresser et ont permis une croissance continue de la demande.
Cette évolution a été lente et heurtée. Elle a abouti à un moment très particulier où, plein- emploi aidant, salaires et productivité ont été en hausse constante et la croissance économique, soutenue et presque régulière. Ces quelques décennies – on parle en France des « trente glorieuses » – ont été marquées par l’avènement de la « société de consommation » et, avec elle, de la consommation de masse. Le progrès social qui l’a accompagnée est difficile à nier. Le confort de la vie quotidienne s’est accru, non plus seulement pour une minorité, mais bien pour la grande majorité de la population. En même temps, des ressources toujours plus importantes ont pu être consacrées au développement d’infrastructures sociales – les systèmes de santé et d’éducation, les systèmes de retraites et de protection sociale… – qui, là aussi, ont amélioré les conditions de vie non plus seulement d’une minorité, mais bien de tous.
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