Coronavirus: le chemin de la mondialisation
Le trajet mondial de l’épidémie emprunte plusieurs formes de la globalisation contemporaine notamment économique et touristique d’après le politiste Romain Lecler. Tribune dans le monde (extrait)
Tribune.
« Si l’Organisation mondiale de la santé hésite encore à parler de pandémie pour qualifier l’épidémie du Covid-19, son caractère global ne fait aucun doute, ne serait-ce que parce que le virus a désormais touché quelque 100 000 personnes dans 90 pays à travers le monde. Mais cette épidémie est aussi globale au sens où elle met au jour toute une série de phénomènes associés depuis plus de trente ans à la mondialisation par les spécialistes des politiques mondiales. Ces phénomènes empruntent à différentes dimensions : touristique, économique, religieuse, sociologique, médiatique, etc. Ordinairement, ils paraissent disjoints parce qu’il est difficile, et parfois même impossible, de faire le lien entre eux. Cela permet souvent de remettre en question la réalité de la mondialisation, ou bien de mettre l’accent sur une seule de ses dimensions, à des fins politiques – par exemple, les migrations.
Or, la précision méticuleuse avec laquelle les spécialistes des épidémies enquêtent pour retrouver et identifier les patients zéro à l’origine des foyers de diffusion du virus révèle l’articulation entre ces différentes dimensions de la mondialisation contemporaine, que le virus a reliées tout au long de son itinéraire.
Tout commence ainsi dans une ville au cœur de ce que les économistes ont appelé les « chaînes de valeur globale » : Wuhan est un lieu-clé d’implantation de multinationales étrangères comme General Motors, Honda ou Renault. Dotée de gigantesques zones industrielles, elle a reçu plus de 20 milliards de dollars d’investissements étrangers ces dernières années. En Chine, elle ressemble au Chicago analysé par les premiers sociologues américains du début du XXe siècle : au cœur du pays, c’est un nœud ferroviaire et un lieu d’intenses circulations. Elle accueillait chaque année 1 milliard de passagers par train ou avion au début des années 2000, 4 milliards à la fin 2019. Quelque 3 500 passagers en décollaient chaque jour vers l’étranger.
La mise à l’arrêt des industries productives en Chine a donc littéralement cassé le premier maillon des chaînes de valeur globales et entraîné, à l’autre bout de la chaîne, le plongeon des marchés financiers dans les « villes globales » – Tokyo, Londres, New York –, que les économistes qualifient comme telles parce que c’est là que la production mondiale est coordonnée et financée.
L’épidémie a poursuivi son trajet à travers un second dispositif, celui des paquebots touristiques. Les affres du Diamond-Princess doivent être replacées dans un contexte d’explosion de ce type de tourisme : il y avait 10 millions de passagers sur les paquebots au début des années 2000, ils sont désormais 30 millions. Le tourisme est une dimension cruciale de la mondialisation contemporaine. Le nombre de passagers aériens a triplé en vingt ans : 1,5 milliard au début des années 2000, 4,5 milliards aujourd’hui. Le virus est arrivé en Europe par le tourisme et par avion, que ce soit en Haute-Savoie, en Italie du Nord ou dans l’Oise, à proximité de Roissy-Charles-de-Gaulle. »
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