« Il faut sauver les CCI rurales » (Françoise Cayre)
Françoise Cayre présidente de la chambre de commerce de Corrèze attire l’attention du risque de disparition des structure à caractère rural avec la diminution drastique des moyens. Certes le relais pourrait être pris par les structures politiques élues mais il n’est pas certain que l’action soit plus efficace que celle des CCi en matière d’animation économique. En outre l’idée de faire payer des prestations des CCi au bénéficiaire paraît assez illusoire dans des territoires composés très petites entreprises.
Quelle est la situation financière de la Chambre de commerce et d’industrie de Corrèze en ce début d’année 2020 ?
FRANÇOISE CAYRE - On est au fond de la piscine et on doit mettre un coup de talon pour espérer remonter à la surface. Immanquablement, pour se sortir d’une telle situation, il faut avoir la foi dans notre institution et dans l’utilité de ses services auprès des entreprises du territoire ! En 2012, plus de 60 % de notre budget annuel provenait de la ressource fiscale, soit environ 5,8 M€. En 2018, la ressource fiscale est tombé à 3,3 M€ et en 2022, ce montant ne sera plus que de 1,5 M€, soit une réduction de l’ordre de 75 % en dix ans ! Le retournement de notre activité est donc particulièrement compliqué à gérer.
Quelles sont les conséquences sur les moyens matériels et humains de la CCI ?
Elles sont très importantes ! Le gouvernement nous impose un régime strict qui a entraîné la vente de plusieurs actifs immobiliers à Tulle, Brive et Ussel. Nous nous sommes désengagés des syndicats mixtes pour le développement économique (Syma) et des aéroports locaux qui étaient déficitaires et nous avons recherché des économies tous azimuts sur nos dépenses de fonctionnement. En ce qui concerne l’effectif de la CCI, nous sommes 46 personnes aujourd’hui contre 75 en 2012 avant la fusion entre les deux chambres qui existaient dans le département. On a joué sur cette fusion et sur les départs en retraite mais, aujourd’hui, on arrive au bout de la logique de réduction des effectifs si on veut pouvoir proposer des prestations premium payantes. Il faut quand même que nous conservions les compétences qui doivent nous permettre de vivre demain !
Votre objectif est désormais d’engager la chambre dans cette direction ?
Oui parce que c’est ce qu’on nous demande : facturer des prestations à nos clients. Mais ce n’est pas du tout évident pour nous sachant que plus de 90 % des entreprises que nous accompagnons sont des TPE de moins de dix salariés. Facturer des prestations en zone rurale c’est très très compliqué. On se positionne désormais sur un marché quasi-concurrentiel et cela suppose une évolution importante à la fois de nos collaborateurs et de nos interlocuteurs : collectivités locales et entreprises. Il faut aussi résorber le déficit d’image et de visibilité des CCI et de leurs offres de services.
Vous ne semble pas convaincue par cette logique de prestations payantes…
D’une part, elle est complexe à mettre en œuvre dans notre territoire et, d’autre part, il y a une certaine perversité dans ce système puisque ce sont précisément les plus petites entreprises et celles qui sont en difficultés ou en transmission qui ont le plus besoin de notre accompagnement ! Aujourd’hui, on ne leur facture pas le coût réel de notre prestation mais demain, si on leur demande de payer le vrai prix, beaucoup d’entre elles vont renoncer faute de moyens. Et si des TPE renoncent à être accompagnées pour des raisons financières, le résultat sera parfaitement contreproductif pour tout le monde !
Etes-vous inquiète pour la pérennité de la CCI de Corrèze dans les années qui viennent ?
Honnêtement, la CCI ne pourra pas rester bien longtemps dans cette situation. Je mets tout en œuvre pour sortir de l’ornière mais je n’ai pas de certitudes sur la réussite de ma démarche ni sur la survie de la chambre. Mais si ça ne fonctionne pas et que la CCI de Corrèze disparaît, quelle sera l’alternative ? Les collectivités chercheront à se saisir de nos missions et à réinventer ce que nous faisons déjà très bien ! Quel est le gain dans cette démarche ?
Il faut donc absolument convaincre le gouvernement de débloquer des ressources supplémentaires pour les CCI les plus en difficultés qui ne pourront pas s’en sortir seules. Il faut sauver les 17 CCI hyper-rurales !
Les CCI de Nouvelle-Aquitaine affichent un discours de solidarité avec les chambres qui seraient en grande difficulté. Est-ce que cela est de nature à vous rassurer ?
Oui, les CCI de la région ont décidé de jouer solidaire même si ce n’est pas allé de soi, ce qui est parfaitement compréhensible puisque chaque chambre a ses propres engagements et a besoin de ses propres ressources. Contrairement à la CCI de Bordeaux Gironde, en Corrèze nous n’avons ni un aéroport dynamique, ni Vinexpo, ni l’attractivité naturelle de la métropole bordelaise et du littoral, c’est une réalité ! Donc la solidarité est une piste, la mutualisation en est une autre et nous partageons déjà des compétences avec la CCI de Dordogne par exemple, jusqu’à des postes de directeurs d’appui opérationnel. Mais cette logique de mutualisation touche aussi ses limites notamment parce que nous menons des missions de proximité. Et la CCI de Corrèze entend perdurer sans être dépendante de Bordeaux, de la Rochelle !
Envisagez-vous, en dernier ressort, une fusion avec une CCI voisine ?
Très profondément et très sincèrement : non ! La vie d’une CCI et de son territoire ce sont ses élus et ses équipes de proximité. Et je ne suis pas certaine qu’une fusion entre deux structures départementales entraînerait des économies ou serait plus efficace ! Le passage devant nous est très ténu mais il ne faut pas baisser les bras et il faut absolument convaincre le gouvernement d’agir. La péréquation financière doit être beaucoup plus forte entre les grosses CCI et celles qui sont moins bien dotées. Et je ne défends pas ma chambre mais bien les missions qu’elle mène auprès des entreprises corréziennes !
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