Retraites: une réforme incompréhensible (Philippe Askenazy, professeur d’économie)
Dans une tribune au monde Philippe Askenazy, professeur d’économie à l’ENS-Ecole d’économie de Paris l’ENS, dénonce les incohérences de la réforme. ( extraits)
« Peu spectaculaire sur la forme, la très longue intervention du premier ministre, mercredi 11 décembre, l’était sur le fond. Pour la première fois, dans une démocratie libérale, un paramètre essentiel d’une politique qui touche tous les citoyens – ici la génération concernée par le système par points – a été déterminé en référence à… l’âge du capitaine. Certains y verront une dérive supplémentaire de la Ve République centrée sur la personnalité du président, ou l’attribueront à l’égocentrisme d’un homme de pouvoir.
La défaite des « experts » est également lourde. Tout système de retraite présente des failles et des avantages. Ceux qui prônaient des ajustements nécessaires du système actuel ont été ignorés. Ceux qui défendaient un système par points plaidaient naturellement pour l’application de ce « meilleur système » le plus tôt possible. Ils n’ont pas été écoutés non plus. Pire encore, l’introduction d’un âge pivot tue le principe même d’une valeur unique du point. Avec cette mesure, rigoureuse pour ceux qui sont usés par le travail, l’humiliation est terrible également pour la CFDT, qui en avait fait sa ligne rouge.
La suite de la page d’histoire que nous vivons n’est, elle, pas encore écrite.
Le mouvement social est né de la capacité d’une large majorité des Français de calculer grosso modo leur retraite malgré l’antienne sur l’illisibilité du système actuel, et de la comparer aux propositions Delevoye. L’intervention du premier ministre et, plus encore, le dossier de presse qui l’a accompagnée ont enfin donné quelques précisions sur la réforme. Mais de multiples paramètres restent en suspens, entretenant les inquiétudes.
Les enseignants voient le maintien de leur pension tributaire d’une évolution de leur mode de rémunération renvoyée à des discussions ultérieures. Le sort des agents RATP et SNCF est lié à des négociations d’entreprise, en apparente violation du principe d’universalité pourtant énoncé par Edouard Philippe.
Le dossier de presse indique cependant que la formule utilisée – « à moins de dix-sept ans de la retraite » – signifie que la réforme ne débutera qu’à partir de la génération 1980, voire 1985 pour les bénéficiaires des régimes spéciaux et certaines catégories de fonctionnaires dites « actives » (égoutiers, surveillants pénitentiaires… policiers ?) dont le départ à la retraite est possible aujourd’hui dès 57 ans. »
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